Présentation de l'éditeur :
«Pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas plutôt rien ?» Telle est sans doute la question la plus célèbre à laquelle l'ontologie, qui se veut précisément la science de l'être en tant qu'être, est censée répondre. Néanmoins cette question est-elle légitime ? Nous faisons tous une expérience de l'être, à la fois externe et interne, sous la forme du monde et sous la forme du sujet. En lieu et place du rien nous trouvons toujours quelque chose. Aussi Lavelle, après Bergson, conteste-t-il la présence contradictoire du néant au sein de l'être : ce dernier est partout présent, et c'est pourquoi l'ontologie lavellienne est résolument optimiste. Dans cet exposé dense et clair, le philosophe dessine le cercle qui lie d'une manière indestructible le renouvellement et la manifestation de chaque chose au moyen de trois concepts : l'être, l'existence et la réalité. Bien qu'univoque, l'être se décline en effet selon un mouvement de donation qui a pour fil conducteur la catégorie charnière de l'existence. Mais la démarche de Lavelle ne s'arrête pas là, elle tend à nous montrer que l'articulation des trois notions précédentes doit être elle-même comprise en relation avec les catégories axiologiques que sont le bien, la valeur et l'idéal. L'être est pour Lavelle la source de toute positivité, et c'est pourquoi son ontologie, qui comble en même temps notre intellect et notre volonté, renoue par-delà le christianisme avec la grande tradition grecque, en nous proposant les principes d'une sagesse possible ici et maintenant.
Louis Lavelle (1883-1951) a occupé la chaire de philosophie du Collège de France de 1941 à sa mort. Il est considéré comme l'un des plus grands métaphysiciens français et l'on redécouvre ses essais moraux et spirituels.
Le préfacier, Philippe Perrot, est professeur de philosophie ; il poursuit, par ailleurs, des recherches sur la distinction entre la relation morale et l'éthique.
Extrait :
DISTINCTION
SOMMAIRE. - L'affirmation de l'être chez Aristote et ses différentes formes. - La distinction chez les modernes entre être, existence et réalité. - Qu'elle est corrélative de l'introduction du moi dans l'être. - Qu'elle traduit la solidarité de l'absolu et des relatifs. - Qu'elle permet de comprendre les trois directions de la pensée philosophique.
1. - Il y a un paradoxe certain dans l'emploi de cette expression : «les catégories ontologiques», du moins si l'on s'en tient à l'acception où le mot «catégorie» a été pris depuis Kant. Car pour Kant, les catégories sont les concepts fondamentaux de l'entendement pur, mais qui ne nous permettent d'atteindre un objet que lorsqu'une matière leur est fournie par la sensibilité, c'est-à-dire à l'intérieur de l'expérience ; de telle sorte que le propre des catégories, c'est de n'avoir pas de portée ontologique. Il est vrai qu'il y a des catégories de la modalité qui comprennent l'existence entre la possibilité et la nécessité ; mais elles n'ont pas un caractère constitutif et ne contribuent en rien à former le contenu du jugement ; elles concernent seulement la valeur de la copule dans son rapport avec la pensée de l'expérience en général. Il n'en était pas de même cependant des catégories d'Aristote qu'il appelait précisément «catégories de l'être» (κατηγορίαι τού όντζ et, par abréviation seulement, κατηγρίαι). C'étaient pour lui les prédicats de la proposition, c'est-à-dire les différents objets de l'affirmation.
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