Extrait:
QU'EST-CE QUE LA MÉMOIRE ?
Si on vous demande de vous rappeler vos premiers souvenirs, pouvez-vous les dater avec précision ? Pouvez-vous dire à quel moment votre mémoire est apparue en tant que telle ? Quelle est la clarté de ce premier souvenir ? Pensez-vous que ce souvenir est «réaliste» ou qu'il a pu être influencé par les souvenirs d'autres personnes ?
Nous avons tous été confrontés dans la littérature ou le cinéma à des histoires où un être humain n'a plus aucun souvenir de son passé, qu'il s'agisse des événements qu'il a vécus ou des personnes qu'il a rencontrées. Toutes ses références temporelles sont perdues, qu'il s'agisse du visage de sa mère, de sa date d'anniversaire ou du décor de sa chambre d'enfant. Ce héros est souvent désemparé et perdu, il ne sait plus qui il est, il n'a plus le sentiment de son identité.
Nous connaissons tous aussi les ravages de la maladie d'Alzheimer qui, non seulement détruit les souvenirs de notre passé mais empêche également les personnes qui en sont atteintes d'acquérir de nouveaux souvenirs puisqu'elles peinent parfois même à se rappeler si elles ont mangé dix minutes auparavant. Comment ces personnes pourraient-elles suivre le déroulement d'un film à la télévision ou, dans les stades plus avancées de la maladie, suivre le fil d'une conversation ?
En écrivant ce livre, je me suis demandée s'il existait une seule activité humaine, qu'elle soit prosaïque comme par exemple nouer ses lacets, ou plus «intellectuelle» comme rédiger un cours, dans laquelle la mémoire ne serait pas impliquée. La réponse est : «non». A bien y réfléchir, la mémoire est partout et, tant qu'elle fonctionne correctement, nous ne nous interrogeons pas assez sur elle. C'est quand elle dérape que nous nous rendons compte de l'importance qu'elle a dans nos vies.
Le terme de mémoire est issu du latin memoria qui désignait à la fois «l'aptitude à se souvenir» et «l'ensemble des souvenirs». En effet, la mémoire va au-delà du souvenir ; elle n'est pas un simple réservoir de connaissances mais un système de traitement de l'information, un système dynamique qui régule notre comportement.
Les chercheurs se sont donc penchés depuis fort longtemps sur l'étude de la mémoire et il existe essentiellement deux types d'approches théoriques pour comprendre la mémoire humaine.
° La première approche, dite «structuraliste» envisage la mémoire comme partagée entre plusieurs systèmes ou modules dépendant de diverses régions anatomiques de notre cerveau.
° La deuxième approche, dite «fonctionnelle» s'intéresse aux mécanismes de fonctionnement de la mémoire, à l'organisation des différents modules et à leurs interactions.
Ces deux modèles théoriques ne sont pas incompatibles et permettent de répondre aux questions «où ça se passe,» et «de quel type de mémoire s'agit-il» pour les théories structuralistes, et à la question du «comment ça marche ?» pour les théories fonctionnelles. Nous ferons donc alternativement référence à l'une ou à l'autre au sein de ce livre.
On distingue généralement deux types de mémoire :
° des mémoires transitoires comme la mémoire à court terme ou la mémoire de travail dont la finalité n'est pas la mémorisation en elle-même mais la réalisation des opérations mentales ;
° et des mémoires permanentes qui sont les supports des connaissances, des apprentissages, de notre vécu.
Lorsque nous mémorisons, trois étapes se succèdent ;
° nous devons apprendre de nouvelles informations,
° les conserver le plus longtemps possible,
° et les récupérer au moment où nous en avons besoins. Nous pouvons nous rappeler de connaissances, d'événements de notre vie, de gestes, de sons, d'images...
La mémoire est une des activités essentielles de notre cerveau mais cette mémoire puissante est fragile et elle est tributaire de notre état émotionnel, attentionnel ainsi que de l'intégrité de nos systèmes sensoriels.
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