Extrait :
DAME LETTIE Colston remplit le réservoir de son stylo à encre et continua sa lettre :
«J'espère qu'un de ces jours tu écriras de manière aussi brillante sur un sujet plus joyeux. En cette période de guerre froide, j'ai vraiment l'impression qu'il faut nous efforcer de nous élever au-dessus des fumées et des brouillards pour parvenir aux hauteurs claires et cristallines.»
Le téléphone sonna. Elle souleva le combiné. Comme elle le craignait, l'homme parla avant qu'elle n'ait pu prononcer un mot. Quand il eut dit la phrase familière, elle demanda : «Qui est à l'appareil, qui est-ce ?»
Mais l'individu, de même que les huit fois précédentes, avait déjà raccroché.
Dame Lettie téléphona à l'inspecteur adjoint, comme on l'avait priée de le faire. «C'est arrivé de nouveau, dit-elle.
- Je vois. Avez-vous noté l'heure ?
- C'était il y a juste un instant.
- La même chose ?
- Oui, dit-elle, la même chose. Vous disposez certainement de l'un ou l'autre moyen de trouver l'origine de...
- Oui, Dame Lettie, nous allons lui mettre la main dessus, évidemment.»
Quelques minutes plus tard, Dame Lettie appela son frère Godfrey.
«Godfrey, c'est arrivé de nouveau.
- Lettie, je vais venir te chercher, dit-il. Il faut que tu passes la nuit avec nous.
- Ça n'a pas de sens. Il n'y a aucun danger. C'est simplement une contrariété.
- Qu'est-ce qu'il a dit ?
- La même chose. Et sur un ton très neutre, pas vraiment menaçant. Naturellement ce type est cinglé. Je ne sais pas ce que les policiers ont l'intention de faire, j'ai l'impression qu'ils dorment. Voilà maintenant six semaines que ça dure.
- Juste ces quelques mots ?
- Juste les mêmes mots : Rappelez-vous qu'il faut mourir. Et rien de plus.
- C'est un malade mental», dit Godfrey.
Présentation de l'éditeur :
Mémento mon : «Rappelez-vous qu'il faut mourir.»
C'est par cette phrase, aussi laconique que désagréable, qu'un mauvais plaisant (ou un malade mental ?) importune à intervalles réguliers, lors de coups de téléphone anonymes, plusieurs personnes âgées appartenant à la meilleure société londonienne. La police semble impuissante à découvrir le coupable, et peu à peu la tension monte, car plusieurs des personnes qui ont reçu ces appels meurent effectivement - ce qui, vu leur âge, n'est pas tout à fait illogique. Qui dit décès dit héritage, et certains héritages suscitent des convoitises... Publié à la fin des années cinquante, Mémento Mort est sans aucun doute le livre le plus humoristique qui ait jamais été écrit sur la mort et les tourments du grand âge.
Publié à la fin des années cinquante, Mémento Mori est sans aucun doute le livre le plus humoristique qui ait jamais été écrit sut la mort et les tourments du grand âge.
Muriel Spark, poétesse, nouvelliste, biographe d'Emily Brontë et de Mary Shelley, née en 1918 en Ecosse, a vécu en Afrique noire et à Londres avant de s'installer en Toscane.
Les Belles Années de mademoiselle Brodie, devenu un best-seller, la rend célèbre en 1961.
Muriel Spark est décédée en avril 2006 en Toscane.
Traduit de l'anglais par Alain Delabaye
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