Extrait :
Extrait de la préface de Véronique Charpentier :
C'est à Rome, en 1803, que Chateaubriand dit avoir eu «pour la première fois l'idée d'écrire les Mémoires de [sa] vie» : Pauline de Beaumont venait d'expirer dans ses bras. Cette mort d'une femme aimée, dans une ville tombeau qui sublime dans ses ruines la fin des civilisations, ne pouvait qu'inviter l'auteur du Génie du christianisme à dresser, à trente-cinq ans - mais il avait déjà tant vécu et tant vu mourir -, son propre tombeau littéraire.
Grand lecteur de Jean-Jacques Rousseau, l'auteur de René ne désirait pourtant pas écrire de nouvelles Confessions : il ne voulait ni s'expliquer, ni se justifier. La grande tradition des mémoires aristocratiques lui enjoignait de garder le secret sur son intimité, et encore davantage de protéger celle de ses proches. Imaginés en 1803, médités et esquissés dans les années 1807 à 1811, date officielle de leur commencement, achevés solennellement en 1841, souvent repris, augmentés, recomposés, les Mémoires de ma vie sont devenus en 1832 Mémoires d'outre-tombe, temple majestueux voué au souvenir, souvenir des êtres aimés, des temps disparus, des rêves et des illusions, des errances d'un monde à l'autre, des cavalcades épiques ou sanglantes de l'histoire...
Ces Mémoires d'outre-tombe sont justement beaucoup moins une autobiographie qu'un livre d'histoire. Si leur auteur avoue s'être «plu davantage» aux «récits» de «[son] enfance, de [sa] jeunesse, de [ses] voyages», il a aussi compris pendant toutes ces années, de la fin de l'Ancien Régime à la monarchie de Juillet, que, dans les soubresauts d'un régime politique à l'autre, naissait la France moderne. Trempant tour à tour sa plume dans le lyrisme romantique, l'exactitude de la documentation historique, la vérité du témoignage, il fait éprouver à son lecteur les retentissements terribles de l'histoire sur une vie d'homme.
Gardant le souci aristocratique de la réserve, il voulait que ses Mémoires fussent publiés d'«outre-tombe», cinquante ans après sa mort. Mais les soucis d'argent d'un cadet de famille privé d'héritage le contraignent, en 1844, à accepter de les voir paraître en feuilleton, dans ces journaux pour la liberté desquels il a tant lutté.
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Formidable témoin de son temps, spectateur actif d'une époque tourmentée, Chateaubriand traverse le siècle, le fixe et le transfigure dans ces
Mémoires. Mémoires ou fiction ? À bien des moments on hésite, tant il met en scène sa vie comme on écrit un roman, tant ses incroyables aventures font de lui un véritable personnage, dont rêveraient les plus grands romanciers. Des brumes bretonnes aux rives américaines du Mississippi, de Londres à Rome et de Rome à Paris, il est tour à tour exilé, professeur, ambassadeur, ministre, royaliste convaincu et néanmoins grand admirateur de Napoléon... Adulé, courtisé, il décide pourtant de quitter la vie publique pour se consacrer à son grand projet : ses mémoires. Elles l'occuperont plus de trente ans.
D'outre-tombe, la voix du génie s'élève avec toujours autant de force, et rappelle que le vieux maître d'Atala et de René, qui passe pour le père du romantisme, est avant tout l'une des plus extraordinaires plumes de la littérature française. --Karla Manuele
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