Extrait :
Préfère le sourire de l'humour au fiel de l'engagisme, les idées qui émeuvent à celles qui mobilisent, les affinités électives aux fraternités partisanes.
Ta vie est un jeu ; n'en sacrifie pas la gratuité à des obligations. Un jeu tragique, souvent cruel et dont les cartes sont biseautées. Tout de même, ce «songe d'un songe» (Calderón), cet aléa si improbable et plus bref dans son genre que la vie d'un papillon, tâche d'en faire la marelle d'une cour de récréation. Émerveille-toi d'avoir sauté une case, avec cette gravité des enfants qui jouent. Émerveille-toi de tout et d'un rien en privilégiant l'envers poétique des êtres et des choses. Ta vie est un jeu amoureux ; n'en dilapide pas les mises sur les échiquiers dérisoires de l'esprit de sérieux.
Sois le condottiere de tes désirs, pas leur délégué syndical !
Prends tes distances avec le goût du jour. C'est ton inconsistance qu'instaurent la rotation accélérée des stocks d'un imaginaire concassé par l'info en boucle, le débat en cours, le spectacle en vogue, le dernier sondage, le dernier scandale. Éloigne-toi du bruitage de l'«actu» pour n'être pas frappé de surdité quand les vents de l'Histoire se mettront à hurler. Débranche-toi sans craindre d'être largué. Désintoxique-toi. Sois inactuel...
Que tu sois riche ou pauvre, glorieux ou anonyme, sors ton ego de sa gangue de suffisance pour qu'il accède à la dignité minimum d'un moi sobre et épanoui. Lequel moi doit s'effacer pour qu'advienne une personne : toi, enfin maître de soi. L'ego est un cachot où l'on se cogne contre les murs ; le moi une citadelle où l'on tourne en rond sur les remparts ; la personne un oiseau libre de s'envoler, de se poser, de gazouiller, de se cacher.
Présentation de l'éditeur :
Extrait : Il paraît que l’opinion publique en Allemagne interdit de parler des conséquences néfastes et dangereuses d’une guerre, surtout s’il s’agit d’une guerre victorieuse. On écoute d’autant plus volontiers ces écrivains qui ne connaissent pas d’opinion plus importante que cette opinion publique et qui, par conséquent, rivalisent à louanger la guerre et les phénomènes puissants que produit son influence sur la morale, la civilisation et l’art. Malgré cela, il importe de l’exprimer, une grande victoire est un grand danger. La nature humaine supporte plus difficilement la victoire que la défaite. J’inclinerais même à penser qu’il est plus aisé de remporter une pareille victoire que de faire en sorte qu’il n’en résulte pas une profonde défaite. Mais une des conséquences néfastes qu’a provoquées la dernière guerre avec la France, la conséquence la plus néfaste, c’est peut-être cette erreur presque universellement répandue : l’erreur de croire, comme fait l’opinion publique, comme font tous ceux qui pensent publiquement, que c’est aussi la culture allemande qui a été victorieuse dans ces luttes et que c’est cette culture qu’il faut maintenant orner de couronnes qui seraient proportionnées à des événements et à des succès si extraordinaires. Cette illusion est extrêmement néfaste, non point parce que c’est une illusion — car il existe des illusions salutaires et fécondes — mais parce qu’elle pourrait bien transformer notre victoire en une complète défaite : la défaite, je dirai même l’extirpation de l’esprit allemand, au bénéfice de « l’empire allemand ».
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