Extrait :
PREMIERE LETTRE
Madame,
Je me mets à ma table pour vous donner une preuve indéniable que je considère vos désirs comme des ordres incontournables. Si choquante donc que puisse être la tâche, il me faut faire ressurgir pour vous ces épisodes scandaleux de ma vie, auxquels j'ai fini par mettre un terme afin de profiter de toutes les bénédictions que peuvent conférer l'amour, la santé et la fortune ; afin aussi, alors que je suis encore dans la fleur de l'âge et qu'il n'est pas trop tard pour employer les loisirs que m'accordent l'opulence et la richesse, d'approfondir, d'une façon qui ne saurait bien entendu être méprisable, un travail d'observation, qui s'était attaché, au milieu même du tourbillon de plaisirs dissolus dans lequel j'avais été jetée, à regarder les personnages et les moeurs de ce monde plus attentivement qu'il n'est d'usage chez celles qui exercent la même triste profession que la mienne et qui, considérant toute pensée ou toute réflexion comme leurs plus cruelles ennemies, les tiennent aussi éloignées d'elles que possible ou les écartent sans pitié.
Ayant une haine mortelle de toute préface longue et inutile, je vous en ferai grâce et ne vous présenterai d'autre excuse que celle destinée à vous préparer à découvrir la partie débauchée de ma vie décrite aussi librement que je l'ai vécue.
La vérité ! la vérité sans fard, toute nue, tel est mon propos ; et je ne me donnerai même pas la peine de la couvrir du moindre voile, aussi transparent soit-il. Je peindrai au contraire les situations telles qu'elles se sont produites en vérité, sans me préoccuper de violer ces lois de la décence qui ne furent jamais édictées pour régler des relations aussi librement intimes que les nôtres ; et vous avez trop de bon sens, vous connaissez trop les originaux eux-mêmes, pour regarder avec un dédain prude, et qui vous ressemblerait fort peu, les peintures que j'en fais.
(...)
Quatrième de couverture :
Dans une longue lettre à une amie, Fanny, l'orpheline, raconte les aventures qu'elle a connues après avoir quitté le village de son enfance. Avec franchise, elle évoque ici son expérience d'un plaisir vécu dans son évidence et sa pleine mesure. L'initiation de Fanny dans une " maison ", les circonstances qui la conduisent à faire commerce de son corps avant de retrouver l'amour de sa vie, l'épanouissement érotique qu'elle révèle sont sans nul doute, pour leur accent de vérité, à l'origine du succès de ces Mémoires. Fanny Hill, la fille de joie s'est en tout cas très vite imposée comme une oeuvre de première grandeur dans la littérature érotique du XVIIIe siècle. La version quintessenciée de Fougeret de Montbron, fidèle par son charme et sa vigueur à l'original, permit en 1751 de découvrir en France une oeuvre dans laquelle ses " lecteurs ", Elsa Grassot et Guillaume Badoual, voient ici une véritable éthique du plaisir.
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