La droite révolutionnaire est de ces très rares recherches vraiment neuves et incontestablement salutaires. Paru en 1978, l'ouvrage a littéralement miné le sage roman national qui se racontait en France. Celui-ci voulait que, depuis la Révolution, l'histoire de France ait tourné au même régime à trois temps : celui de l'orléanisme, du bonapartisme et de la contre-Révolution. La conclusion semblait s'imposer d'elle-même : la France avait échappé au virus fasciste.L'ouvrage de Zeev Sternhell prouve au contraire que la France non seulement n'a pas échappé à la contamination fasciste (ce que prouvent à l'envi les années trente et certains aspects de Vichy), mais qu'elle fut au foyer de l'idéologie fasciste. De 1885 à 1914, en effet, les théoriciens de la droite révolutionnaire - qui n'était pas la droite contre-révolutionnaire traditionnelle -, posèrent les fondements génétiques du racisme, formulèrent l'association organique du Capital et du Travail, définirent un régime antidémocratique puisant l'autorité dans le culte du chef, é1aborèrent la nécessité, pour entretenir l'énergie des masses, de mythes, récits et images destinés à une propagande d'État.Des thèses aujourd'hui acceptées par tous, au point que l'ouvrage connaît une forme particulière de postérité : son titre est devenu une expression commune chez les historiens.
Les trois volumes
La France entre nationalisme et fascisme ont résonné tels un coup de tonnerre dans le monde des historiens. Leur idée maîtresse : non seulement la France a été, des années 1880 à l'entre-deux-guerres, profondément imprégnée d'idéologie fasciste, mais la pensée fasciste trouve sa source au coeur même de la patrie des droits de l'homme. Le tome premier
Maurice Barrès et le nationalisme français montre le rôle essentiel de ce brillant homme de lettres, d'abord socialiste, puis nationaliste, dans la naissance d'une véritable doctrine préfasciste à l'occasion de l'affaire Dreyfus. La démonstration est poursuivie et élargie dans le second volet,
La Droite révolutionnaire : les origines françaises du fascisme qui montre l'extension progressive, dès avant 1914, de ces conceptions dans le monde politique et intellectuel. Enfin, le dernier tome
Ni droite, ni gauche : l'idéologie fasciste en France s'attache au phénomène fasciste lui-même, que la crise économique a permis de faire parvenir à maturité, et ce, contrairement aux idées reçues, en France plus tôt qu'ailleurs.
Ces analyses iconoclastes, mais rigoureuses et novatrices, éclairent d'un jour nouveau les origines du régime de Vichy, dont elles révèlent les racines profondes. --Thomas Ferrier