L'essor industriel de l'Asie et de l'Amérique latine, les stratégies de délocalisation des firmes occidentales chamboulent la géographie économique du globe. L'Europe et l'Amérique du Nord perdent le quasi-monopole de la production manufacturière compétitive qu'elles détenaient depuis le siècle dernier. Avec la mondialisation, certains pays du Sud, dont la main-d'oeuvre est peu coûteuse, accèdent aux technologies nécessaires à l'installation d'industries performantes. Cette offensive ne fait que commencer. Dans le " vieux monde ", un très grand nombre d'emplois sont menacés. A ce défi, les Etats membres de l'Union européenne sont tentés de répondre en choisissant deux impasses. Déjà fortement touchés par le chômage, ils peuvent abandonner les droits sociaux et miser sur une flexibilité à outrance du marché du travail. Une telle option transformerait la fameuse " fracture sociale " en gouffre. Une seconde voie, le protectionnisme, séduit un pays comme la France. A court terme, l'isolement permet de sauver des emplois. Il expose cependant l'Europe aux représailles de la concurrence. Autour du Pacifique, émerge le marché le plus dynamique du monde. Un marché dont le Vieux Continent ne pourra se passer dans l'avenir. Les Européens doivent réinventer l'Etat social en garantissant à chaque travailleur menacé par la concurrence internationale un droit permanent à la requalification. Il y a urgence. Pour le Vieux Continent commence l'épreuve de la mondialisation.
Après avoir décrit en détail le processus de mondialisation (analyse des évolutions récentes du commerce international, régionalisation des échanges, menaces d'éclatement social qui pèsent sur les pays européens, etc.), Jean-Yves Carfantan, professeur d'économie à l'École Supérieure des Affaires d'Angers, met en garde contre la tentation d'un protectionnisme européen. Celle-ci pourrait apparaître comme un remède face au dynamisme des nouveaux concurrents (les pays à bas salaires), l'Europe souhaitant se protéger soit au moyen de mesures protectionnistes classiques, soit par des barrières écologiques (protectionnisme vert) ou sociales. Selon J-Y Carfantan, cette stratégie serait dangereuse à plus d'un titre : elle pourrait mener à une "nouvelle guerre du Pacifique" et à une grave crise européenne (le durcissement français contre les pays asiatiques buterait contre la position allemande, moins protectionniste).
L'auteur préfère proposer une stratégie européenne plus offensive et audacieuse, en trois volets : l'Europe doit d'abord jouer le jeu du multilatéralisme et négocier l'ouverture des économies à forte croissance où pourront s'implanter demain les firmes européennes. Elle doit ensuite mettre en place une politique industrielle commune, en misant sur l'innovation. Mais ce programme ne serait pas viable sans une réflexion intense sur la constitution d'un nouveau pacte social, qui pourrait passer par une réforme de la protection sociale, du régime des retraites, etc. --Futuribles-- -- Futuribles