Real Tour, c'est ré-vo-lu-tion-naire ! Suivez une équipe compétente dans un périple passionnant à travers l'Europe des nécessiteux. Déjà, on rechigne à les appeler les "pauvres". Cela donne une idée de ce qui va suivre. Observez la détresse de Joëlle Guitou, bloc G, porte 813, 8è étage. Admirez le désespoir de M. Ekun, natif d'Erzurum et habitant de Berlin banlieue Est. On se croirait presque dans "Strip-tease". De déception en déception, (Real Tour offre un turn-over sexuel inférieur à celui du Palm Club, et le spectacle de la misère n'a rien d'affriolant), chacun des real-touristes se dévoile jusqu'à l'insoutenable.
Un roman militant ? Pas si simple, puisque personne n'est épargné : entre Lafeuillade, "numéro un des pâtes et farines" et Odile Boiffard, "ancienne adepte du communisme intégral", il y a Jason (prononcer "Djéson"), médiateur énervé, et Olympe, lèvres closes d'ingénuité, mais gorge profonde pour donner le change à son Jason. Il y en a tellement d'autres... Et chacun connaît la triste et molle déroute qu'engage l'écriture transparente, impitoyable de Lydie Salvayre, où elle ignore les guillemets et englobe l'humain dans un discours magmatique inquiétant, tordu et drôle.
Un conte philosophique ? Pourquoi pas ! L'argument est un peu éthique, le déroulement un peu basique : un sempiternel voyage initiatique, certes, mais où l'écriture intellectualise absolument tout, sans concession, et donne naissance à de vraies perles...de culture.--Sophie Rouanet-- -- Urbuz.com
Finis le Lubéron ou l'Ile de Ré, complètement dépassées les Seychelles ou la Réunion. Le dernier chic en matière de tourisme c'est d'aller voir les pauvres dans leurs banlieues. C'est ce que propose un "tour operator" qui emmène ses clients en car d'une cité des environs de Paris à un squat milanais en passant par Bruxelles, Cologne et Berlin. Chacun des participants a ses propres motivations plus ou moins honorables qui vont du voyeurisme pur et simple à la curiosité professionnelle, en passant par un souci de se montrer charitable à bon compte. Bref, tous de belles âmes ! Rien ne se passe bien sûr comme prévu à cause du loubard de service, Jason qui joue le rôle de l'animateur et de sa gourde de copine Olympe, embarquée par hasard dans cette galère.
Lydie Salvayre n'a pas écrit un roman social. Ce qui l'intéresse, comme toujours, c'est l'analyse subtile des articulations du langage. En l'occurrence le discours humanitaire, si répandu actuellement, mais aussi le luxe scandaleux que représente parfois la maîtrise de l'expression car "la véritable misère a ceci de singulier qu'elle ne peut jamais sortir de la bouche de ceux qu'elle afflige". --Gérard Meudal