Revue de presse :
«Verre cassé», le précédent roman d'Alain Mabanckou, a laissé un souvenir jubilatoire. A la lecture de ce récit d'une ivresse maîtrisée, allègre et nostalgique, le grand public découvrait un jeune écrivain, né au Congo-Brazzaville, auteur déjà de plusieurs romans et professeur de littérature francophone à l'université du Michigan...
Avec «Mémoires de porc-épic», son nouveau roman, Alain Mabanckou nous entraîne bien loin des comptoirs où «Verre cassé» étanchait sa soif, loin aussi de la réalité africaine contemporaine. Ici, le narrateur est un animal court sur pattes, mais à la verve aussi riche, aux aventures aussi piquantes que le personnage principal du précédent livre. La bête, prénommée Ngoumba, est sortie de son repaire par la magie d'une légende de l'ethnie des Bembé, légende que l'auteur dit tenir de sa mère.
«Mémoires de porc-épic», récit crépusculaire illuminé par la poésie et l'ironie de Mabanckou, rapporte l'histoire d'un monde où les hommes ont des doubles, sortes d'animaux de compagnie, pacifiques ou nuisibles. Mauvaise ou bonne conscience, selon que le maître possède un esprit pur ou démoniaque, ils accomplissent le moindre de ses souhaits, de ses fantasmes, toujours agissants, prévenants, d'une servilité à toute épreuve...
Mémoires de porc-épic», avec son bouillonnement humain et le souffle qui porte sa vision du monde, est un des grands récits romanesques de la rentrée. (Laurent Seksik - Le Point du 24 août 2006)
Dans ce récit poétique et féroce, Alain Mabanckou donne la parole à un drôle d'animal.
Parmi les animaux de la jungle africaine, certains n'ont pas la mythologie qu'ils méritent. Autant le lion, la panthère, le gorille, la girafe ou l'éléphant ont touché notre inconscient collectif, autant d'autres bêtes jouent définitivement les seconds rôles, voire les figurants. C'est peut-être pour réhabiliter l'«ingrat» porc-épic qu'Alain Mabanckou l'a choisi pour héros de son dernier - et remarquable - roman, Mémoires de porc-épic. Outre son corps ventripotent, sa gueule renfrognée et ses longs piquants, les hommes le considèrent «incapable de courir aussi vite qu'un chien de chasse» et pensent que la paresse l'astreint à ne pas vivre loin de l'endroit où il se nourrit. Une image peu glorieuse pour celui qui fut le symbole du roi Louis XII. C'est méconnaître l'animal-narrateur, qui raconte son insolite histoire à son «cher Baobab». (Baptiste Liger - Lire, septembre 2006)
«Mémoires de porc-épic» est une oeuvre d'imagination, mais aussi un guide pratique plein de précieux conseils. Saviez-vous qu'il fallait, pour frauder la vigilance du féticheur pendant l'épreuve du bracelet d'argent, garder, ni vu ni connu, une noix de palme par-devers soi - dans son rectum exactement ?
Né au Congo-Brazzaville, Alain Mabanckouenseigne la littérature francophone en Californie, à Ucla. Rien de moins «art premier» que son art romanesque. Dans ce nouveau conte, l'auteur des «Petits-Fils nègres de Vercingétorix» tresse la fable africaine, le topo universel du double, le personnage conventionnel du tueur en série occidental, le documentaire animalier ; souvent délicieux, son texte ressemble à un dessin animiste produit par un sous-traitant tropical des studios Pixar, pété au vin de palme. Parfois, aussi, on songe au petit monde cynégétique d'un Pagnol pétomane avec, au lieu des bastides et des térébinthes, des cases et des bananiers. [...] (Fabrice Pliskin - Le Nouvel Observateur du 7 septembre 2006)
On y retrouve la même rapidité de trait, la causticité, la truculence, l'art de basculer soudain dans le grotesque ou la poésie. La même lucidité et la même façon de saisir la magie du monde. Hommage à la parole qui «délivre de la peur de la mort», écrit d'un souffle, sans un seul point, ces Mémoires de porc-épic sont un véritable enchantement. (Michel Abescat - Télérama du 25 octobre 2006)
Extrait :
donc je ne suis qu'un animal, un animal de rien du tout, les hommes diraient une bête sauvage comme si on ne comptait pas de plus bêtes et de plus sauvages que nous dans leur espèce, pour eux je ne suis qu'un porc-épic, et puisqu'ils ne se fient qu'à ce qu'ils voient, ils déduiraient que je n'ai rien de particulier, que j'appartiens au rang des mammifères munis de longs piquants, ils ajouteraient que je suis incapable de courir aussi vite qu'un chien de chasse, que la paresse m'astreint à ne pas vivre loin de l'endroit où je me nourris
à vrai dire, je n'ai rien à envier aux hommes, je me moque de leur prétendue intelligence puisque j'ai moi-même été pendant longtemps le double de l'homme qu'on appelait Kibandi et qui est mort avant-hier, moi je me terrais la plupart du temps non loin du village, je ne rejoignais cet homme que tard dans la nuit lorsque je devais exécuter les missions précises qu'il me confiait, je suis conscient des représailles que j'aurais subies de sa part s'il m'avait entendu de son vivant me confesser comme maintenant, avec une liberté de ton qu'il aurait prise pour de l'ingratitude parce que, mine de rien, il aura cru sa vie entière que je lui devais quelque chose, que je n'étais qu'un pauvre figurant, qu'il pouvait décider de mon destin comme bon lui semblait, eh bien, sans vouloir tirer la couverture de mon côté, je peux aussi dire la même chose à son égard puisque sans moi il n'aurait été qu'un misérable légume, sa vie d'humain n'aurait même pas valu trois gouttelettes de pipi du vieux porc-épic qui nous gouvernait à l'époque où je faisais encore partie du monde
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