Extrait :
Extrait de l'introduction :
«AU PAYS DES SOVIETS»
A l'entrée des chantiers, une pancarte : «Accès interdit.» L'U.R.S.S. a été longtemps ce chantier, ouvert seulement à ceux qui participent aux travaux. Tout autour, une palissade. Que se passe-t-il de l'autre côté ? Terre du secret, maintenant et développant à cet égard une tradition séculaire, la Russie rouge n'est pas hospitalière et a peu à offrir aux amateurs de pittoresque. C'est à Paris, haut lieu de l'émigration blanche, que s'est transporté le décor slave. Sur place, c'est autre chose. Il n'y a plus de Russie, et c'est l'U.R.S.S. que l'on vient voir, malgré les difficultés. Car le voyage est une aventure, faite pour décourager le touriste moyen, comme pour séduire une certaine race de voyageurs.
L'invitation au voyage
L'Union soviétique n'ouvre pas ses frontières au tout-venant. On y entre sur invitation, pendant les années d'espoir et de détresse, parce que la Russie nouvelle ne laisse entrer que ses amis. Les premiers Français en Russie ne sont pas des curieux, ils sont venus pour aider. Certains mettent leurs capacités au service de la Révolution et restent là-bas. Ces transplantations, rares, sont à l'origine des récits les plus précieux. La plupart des visiteurs français ne font que passer. Ils ont moins à dire à leur retour, mais souvent ils accomplissent une mission et leur message tient en quelques mots : aidez les affamés, reconnaissez l'Union soviétique.
Pour tous ces pèlerins des années vingt, un seul hôtel à Moscou, l'Hôtel Lux, caravansérail de l'Internationale où l'on installe tant bien que mal les hôtes étrangers. On ne quitte guère la nouvelle capitale, et il n'est pas question de sillonner un pays pauvre en routes carrossables, et qui ne tient pas à exhiber son dénuement. Au reste, la misère est à votre porte. La visite des gares de Moscou, encombrées de paysans affamés que l'on rembarque dans des trains sans destination, est une descente aux enfers qui a bouleversé des voyageurs venus d'un monde où l'on mange à sa faim. Pourtant la Russie de Lénine et de Trotsky donne aux Français une leçon d'enthousiasme. Cette société égalitaire vit mal. Qu'importe, on y satisfait la soif d'apprendre et le besoin d'agir. C'est sans doute cette Russie racontée par les premiers visiteurs qui a séduit l'imagination de Gide. Quand il est venu, en 1936, elle n'existait plus.
Présentation de l'éditeur :
Durant l'entre-deux-guerres, les «retours d'URSS» furent un genre politique et littéraire très en vogue, d'autant que ce pays différent de tous les autres ne s'ouvrait pas au tout-venant, du moins sans préparation. Dès lors, la connaissance que pouvaient en prendre les voyageurs venus d'Occident devenait un enjeu lourd d'idéologie et de propagande. Que savoir, que comprendre, que raconter du pays du grand mensonge, ou de la grande illusion, ou du grand espoir ?
Fred Kupferman, par un subtil montage d'extraits de 125 récits de voyageurs français, apporte des réponses nécessairement contradictoires, car si chacun découvre chez les Soviets ce qu'il est venu y chercher, personne en revanche ne revient tel qu'il était avant la grande épreuve.
De Gide au paysan de la Corrèze, de Charles-André Julien à Pierre Pascal, de Henri Barbusse à Georges Friedmann, d'Eugène Dabit à Pierre Herbart, ce sont autant de versions composant un panorama dont personne, face au choc du «socialisme réel», ne sort indemne.
Fred Kupferman, qui enseignait l'histoire contemporaine à la Sorbonne et à l'IEP, est mort en 1988. Après l'incontournable biographie de Laval, Au pays des Soviets est le deuxième titre de son oeuvre pionnière à être réédité chez Tallandier.
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