Extrait :
Extrait de la préface de Margaret Jones-Davies
LES MÉTAMORPHOSES DE GANYMÈDE
Les forêts de Shakespeare sont des lieux propices aux métamorphoses : dans la forêt grecque du Songe d'une nuit d'été, Bottom se voyait transformé en âne parmi un foisonnement de fleurs. Trois ans plus tard, dans Comme il vous plaira, en 1599, les métamorphoses sont intériorisées, et deviennent des métaphores de conversions. La pièce commence par l'histoire d'une violence, d'un crime originel entre deux frères, Olivier et Orlando. Comme il s'agit d'une comédie, le meurtre n'a pas lieu. Prévenu à temps par son vieux serviteur Adam qu'il est menacé d'être brûlé vif dans l'incendie de sa maison (II. III, 24), Orlando, le frère cadet, fuit dans la forêt où il rencontre d'autres victimes de la tyrannie. Le vieux duc et son frère usurpateur, le duc Frédéric, rejouent aussi le mythe de Caïn et Abel. Mais Caïn, cette fois-ci, est le frère cadet qui a usurpé le pouvoir de son frère aîné. Dans la forêt, les scélérats seront convertis au bonheur. Rosalinde, la fille du vieux duc et Célia sa cousine, fille de l'usurpateur, subissent les conséquences de ces querelles barbares et rejoignent les proscrits. Rosalinde retrouve Orlando dont elle était tombée amoureuse dès le premier regard. Elle tient le rôle principal, comme l'héroïne éponyme du roman de Thomas Lodge, Rosalynde (1590), source de la pièce.
De ce récit d'aventures didactique, Shakespeare fait une fable morale certes, mais aussi philosophique, inspirée du scepticisme empirique de Montaigne. Au cours du long apprentissage du monde sensible que lui impose Rosalinde, devenue Ganymède - allégorie mythique de la beauté masculine -, Orlando cessera de voir en elle la déesse ineffable des poèmes de Pétrarque et découvrira un être de chair et de sang, l'un des premiers portraits littéraires d'une femme moderne, espiègle et grave.
Comme il vous plaira dépasse les conventions du genre comique. C'est une pièce plongée dans la réalité historique de son temps, une pièce cruelle, mais où l'humanisme est victorieux.
Revue de presse :
Traduction de Jean-Michel Déprats, maître de conférences à l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense. Édition bilingue présentée, établie et annotée par Gisèle Venet, professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle.
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