Extrait :
Extrait du prologue
L'idée, chère à Flaubert, d'un roman sur rien m'a longtemps travaillé en silence. Elle m'est revenue en mémoire par un détour bizarre. Pour préparer deux de mes livres récents - C'est une chose étrange à la fin que le monde et Un pur je m'en irai sans en avoir tout dit-, je me suis intéressé en néophyte à un domaine qui m'était étranger et qui a fait depuis cent ans des progrès fascinants : la physique mathématique et la cosmologie.
Parvenant, comme par miracle, en suivant des chemins divers, à des conclusions identiques, qu'est-ce que les mathématiciens et les astronomes ont découvert de notre vivant, les uns en théorie et par le calcul, les autres par l'expérience et par l'observation ? Pour dire les choses en un mot, que l'univers a une histoire. C'était un coup de tonnerre dans le ciel de la science.
Longtemps, de grands esprits, Aristote en tête, ont pensé que le monde était immobile et éternel. Les Grecs, qui ont presque tout inventé il y a deux mille cinq cents ans sur les côtes de l'Ionie, c'est-à-dire de la Turquie d'aujourd'hui - la géométrie, la mathématique, la philosophie, le théâtre, l'éloquence, la démocratie... -, n'avaient pas manqué de remarquer, se référant tout naturellement aux deux astres les plus brillants au firmament du jour et de la nuit, que tout ne cessait jamais de changer sous le soleil et dans ce qu'ils appelaient notre monde sublunaire. Une formule d'Héraclite, né à Éphèse, est restée célèbre : πάντα ρεί - tout passe. Mais derrière les changements qui se succédaient dans son sein, le monde lui-même ne bougeait pas. Il était là. C'est tout ce qu'on pouvait en dire. Rival d'Héraclite, Parménide soutenait à Élée, en Grande-Grèce, autrement dit en Italie du Sud, que l'être est et que le non-être n'est pas. Le non-être ne devait même pas être évoqué : il était impossible d'en parler. Pour Socrate, pour Platon, pour Aristote, successeurs de Parménide et d'Héraclite, l'homme était la mesure de toutes choses et la Terre sur laquelle il régnait était immobile et éternelle au centre de l'univers, immobile comme elle et éternel comme elle.
Un certain nombre de populations qui ont longtemps passé pour primitives au regard de la culture grecque avaient une autre vision de l'univers qui les entourait. Le monde, pour elles, était sorti du néant après des aventures qui prenaient, en Mésopotamie, en Égypte, aux Indes, en Chine, en Afrique, en Amérique précolombienne, dans les pays scandinaves - et d'ailleurs en Grèce même pour l'homme de la rue -, les formes les plus diverses. D'innombrables mythes, pleins d'animaux fabuleux, de tortues géantes, de chevaux à huit jambes, de serpents à plumes, de fleurs de lotus, d'arbres enchantés, de fontaines magiques, de potiers divins, de généalogies compliquées de déesses et de dieux qui s'engendraient les uns les autres et de nourrissons nés par miracle, prétendaient rendre compte du commencement de ces choses qui prenaient la place de leur absence et que nous appelons le monde.
Un peuple, en particulier, s'était construit autour d'un livre sacré qui devait jouer un rôle considérable dans la brève histoire des hommes. C'était un petit peuple venu de Mésopotamie sous la conduite d'Abraham et installé en Méditerranée orientale : les Hébreux.
Revue de presse :
Il est bien difficile de définir ce petit livre de Jean d'Ormesson. Compte tenu du sujet, résumé d'une phrase sur la couverture («La seule question c'est Dieu, qu'il existe ou qu'il n'existe pas»), le premier qualificatif venant à l'esprit est celui d'essai. Mais, après lecture, on se dit que le mot porte trop de gravité. Il ne rend pas justice à la vivacité du plus aimé de nos académiciens. On a plutôt envie d'utiliser un vocabulaire issu de la musique ou du théâtre : divertimento, impromptu ou encore variations... Cet ouvrage est une fête pour l'esprit...
Jean d'Ormesson ne renonce certes ni à l'élégance ni à la distinction. Lorsqu'il chante la lumière qui lui a «toujours semblé murmurer en silence quelque chose de Dieu», il nous parle d'Amalfi, de Positano, des jardins de Ravello... Pour autant, ce livre a la simple humilité d'une méditation. (Guillaume Goubert - La Croix du 9 juillet 2014)
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