Quatrième de couverture :
- Ainsi tu crois qu'il y a seulement Dieu qui voit les âmes, Basil ? Ecarte le rideau et tu verras la mienne. Il avait, prononcé ces mots d'une voix dure et cruelle. - Tu es fou, Dorian, ou tu joues, murmura Hallward en fronçant les sourcils. - Tu ne veux pas ? Alors, je vais le faire moi-même, dit le jeune homme qui arracha le rideau de sa tringle et le jeta par terre. Une exclamation d'horreur s'échappa des lèvres du peintre lorsqu'il vit dans la faible lumière le visage hideux qui lui souriait sur la toile. Il y avait quelque chose dans son expression qui le remplit de dégoût et de répugnance. Grands dieux ! C'était le visage de Dorian Gray qu'il regardait ! L'horreur, quelle qu'elle fût, n'avait pas encore entièrement ravagé sa stupéfiante beauté. Il restait encore des reflets d'or dans la chevelure qui s'éclaircissait et un peu de rouge sur la bouche sensuelle. Les yeux bouffis avaient gardé quelque chose de la beauté de leur bleu. Le contour des narines et le modelé du cou n'avaient pas encore perdu complètement la noblesse de leurs courbes. C'était bien Dorian. Mais qui avait peint ce tableau ? Il lui semblait reconnaître son coup de pinceau. Quant au cadre, il était de lui. C'était une idée monstrueuse et pourtant il eut peur. Il prit la chandelle allumée et la tint devant le portrait, Son nom figurait dans le coin gauche, tracé en longues lettres d'un vermillon brillant.
Extrait :
L'atelier était plein de l'odeur puissante des roses, et quand une légère brise d'été souffla parmi les arbres du jardin, il vint, par la porte ouverte, la senteur lourde des lilas et le parfum plus subtil des églantiers.
D'un coin du divan fait de sacs persans sur lequel il était étendu, fumant, selon sa coutume, d'innombrables cigarettes, lord Henry Wotton pouvait tout juste apercevoir le rayonnement des douces fleurs couleur de miel d'un aubour dont les tremblantes branches semblaient à peine pouvoir supporter le poids d'une aussi flamboyante splendeur; et, de temps à autre, les ombres fantastiques des oiseaux fuyants passaient sur les longs rideaux de tussor tendus devant la large fenêtre, produisant une sorte d'effet japonais momentané, le faisant penser à ces peintres de Tokyo à la figure de jade pallide, qui, par le moyen d'un art nécessairement immobile, tentent d'exprimer le sens de la vitesse et du mouvement. Le murmure monotone des abeilles cherchant leur chemin dans les longues herbes non fauchées ou voltigeant autour des poudreuses baies dorées d'un chèvrefeuille isolé faisait plus oppressant encore ce grand calme. Le sourd grondement de Londres semblait comme la note bourdonnante d'un orgue éloigné.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.