Présentation de l'éditeur :
L'homme qui plantait des arbres Jean Giono
Dans ce court récit, Jean Giono raconte la vie extraordinaire d'Elzéard Bouffier le berger solitaire, rencontré au hasard d'une de ses promenades. Elzéard Bouffier redonne vie à la terre aride et desséchée de Haute-Provence en plantant méthodiquement, jour après jour des glands de chêne. Un geste qui prendra finalement une dimension inattendue et magnifique.
Titre disponible chez Gallimard Jeunesse, collection «Folio cadet» n°180
L'interprétation de Jacques Bonnaffé restitue avec justesse et intimité toute la force de ce récit optimiste. Entre vérité et fiction le texte trouve ici sa voix et son élan. Le souhait de Jean Giono «faire aimer l'arbre ou plus exactement faire aimer à planter des arbres», est à travers cette lecture pleinement réalisé.
Durée d'écoute : env. 30 min. texte intégral
L'écoute en classe de ce CD est autorisée par l'éditeur
Jean Giono
Fils d'un immigré italien, Jean Giono est né le 30 mars 1895 à Manosque en Haute-Provence. Après la guerre de 1914-1918 où il combat au Chemin des Dames, il retrouve son emploi dans une banque, jusqu'au succès de son premier roman Colline, l'histoire de la vengeance de la terre contre les hommes qui l'exploitent sans discernement. En 1931, il évoque la guerre pour la première fois dans te Grand Troupeau où il oppose l'horreur du front à la paix des campagnes provençales. Après Le Chant du monde en 1934 - un de ses plus beaux livres dans lequel des intrigues amoureuses et violentes, se nouent autour d'un homme puissant et farouche, dégoûté de la vie depuis la mort du seul être qu'il aimait -, Giono ressent le besoin de renouveler son univers romanesque et écrit Deux Cavaliers de l'orage, un roman de liberté et de démesure. Pacifiste convaincu à la veille de la guerre, Giono est néanmoins inscrit en 1944 sur la liste noire du Comité national des écrivains. Dans son journal de l'époque, il se montre rétif à tout engagement, indifférent à la calomnie.
Il puise dans cette épreuve une nouvelle vigueur et compose le cycle du Hussard, l'histoire d'Angelo Pardi, un jeune Piémontais contraint d'émigrer en France. Le cycle commence avec Angelo, continue avec Le Hussard sur le toit où le choléra, figure de la guerre, frappe et se propage dans tout le Midi, et s'achève avec Le Bonheur fou pendant la révolution italienne en 1948. Les chefs-d'oeuvre se succèdent : Un roi sans divertissement, Les Âmes fortes ou Le Moulin de Pologne. Dans les dernières années, malade, il écrit Le Déserteur, en s'inspirant d'un personnage mystérieux dont il fait un véritable héros de roman : un Français qui, un siècle auparavant, s'était réfugié, dans les montagnes du Valais. Son dernier roman, L'iris de Suse, retrace la vie de Tringlat, voleur, pillard de maisons et complice d'assassins qui se réfugie dans les montagnes pour échapper à ces derniers.
Auteur de vingt-quatre romans achevés, de nombreux recueils de nouvelles, de poèmes, d'essais, d'articles et de scénarios, Giono, en marge de tous les mouvements littéraires du xx' siècle, a su allier une extrême facilité d'invention aux exigences d'une écriture toujours en quête de renouvellement. Cet extraordinaire conteur meurt en 1970.
Extrait :
L'homme qui plantait des arbres
Cette courte et sobre nouvelle a, dans l'oeuvre de Giono, une histoire à part qui a été racontée par Aline Giono [...]. Le récit est né d'une commande faite durant le mois de février 1953 par The Reader's Digest pour sa série «The Most Unforgettable Character I've Met» : Le personnage le plus inoubliable que j'aie rencontré. [...]
Les textes publiés par The Reader's Digest dans cette série présentaient, de façon implicitement didactique, voir moralisatrice, des personnages exemplaires ; cela se plaçait dans un contexte de société conservatrice (au moins en tant qu'institution) exaltant l'initiative privée. Amérique et moralisation... Giono n'a-t-il pas été amené tout naturellement, par l'association de ces deux idées, à songer à l'un des pères des états unis, Benjamin Franklin, et à sa phrase célèbre : «Celui qui a réussi à faire pousser deux brins d'herbe là où il n'y en avait qu'un, n'a pas vécu en vain» ? Ce n'était qu'une maxime ; Giono en fera une parabole. Il est ainsi ramené dans une voie qui autrefois a été la sienne, mais qu'il avait abandonnée depuis plus de dix ans, celle de l'incitation à l'action. Car son héros, le planteur d'arbres, est un modèle, et propose visiblement une leçon - une leçon sans paroles, car le vieux berger, contrairement à Toussaint dans Le Chant du monde, ou à Bobi dans Que ma joie demeure, est un silencieux. [... ] Le message d'Elzéard est, certes, qu'il faut planter des arbres, mais aussi qu'il vaut sans doute mieux agir seul.
Bien entendu, la leçon correspondait chez Giono à un goût profond : il aimait à planter des arbres. Il a évoqué cette passion directement en 1962 dans deux chroniques du Dauphiné libéré [...]. «J'avais six à sept ans et j'accompagnais mon père dans ses promenades. Il portait dans sa poche un petit sac qui contenait des glands. [...] A certains endroits des collines, sur quelques replats, devant une belle vue, dans des vallons, près des fontaines, le long d'un sentier, mon père faisait un trou avec sa canne et enterrait un gland, ou deux, ou trois, ou cinq, ou plus, disposés en bosquets, en carrés ou en quinconces. C'était une joie sans égale : joie de le faire, joie d'imaginer la suite que la nature allait donner. [...]»
Dans L'homme qui plantait des arbres Giono a naturellement amplifié la réalité. Non seulement il a agrandi la Haute-Provence mais il a multiplié les arbres plantés par son personnage. [... ] Mais peu importe : Giono n'a pas fait de lui un forestier, mais un poète et un démiurge [...].
L'histoire des publications du texte a aussi son intérêt. Le récit, envoyé peu après sa rédaction au Reader's Digest, fut d'abord accepté avec empressement. Je cite maintenant Aline Giono : «Quelques semaines passèrent, et un beau jour mon père descendit de son bureau, traversa la salle à manger où je travaillais et alla trouver ma mère dans la cuisine. Son visage reflétait la stupéfaction. Il venait de recevoir une deuxième lettre du Reader's Digest, d'un ton bien différent de la première : on y traitait mon père d'imposteur et, dans un mouvement de vertueuse indignation, on lui renvoyait son texte en précisant qu'on ne pouvait pas le publier. Il s'était passé la chose suivante : le Reader's Digest, revue sérieuse, soumettait les textes envoyés à une véritable petite enquête. [...] Évidemment les enquêteurs avaient fait chou blanc. Pas d'Elzéard à Banon, pas de forêt enchantée à Vergons (Var), bref une imposture manifeste. D'où cette réaction outragée. Mon père trouvait la situation cocasse, mais ce qui dominait en lui à l'époque, je me le rappelle fort bien, c'est la surprise qu'il puisse exister des gens assez sots pour demander à un écrivain, donc inventeur professionnel, quel était le personnage le plus extraordinaire qu'il ait rencontré, et pour ne pas comprendre que ce personnage était forcément sorti de son imagination.»
Pierre Citron
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