Quatrième de couverture :
«À ce moment précis la littérature n'a tenu qu'à un fil. Deux amis conseillaient à un troisième qui venait de leur lire une longue mélopée dans laquelle il avait mis le meilleur de lui-même, de carrément laisser tomber. Pas grave, dirons-nous. La littérature s'en remettra. Oui, mais plus comme avant. La littérature pour survivre passe ici, à Croisset, près de Rouen, par un renoncement. Car le jeune Gustave, fils bon à rien du docteur Flaubert, jusque-là s'en faisait une autre idée. Pendant de longs mois il s'était donné dans sa Tentation de saint Antoine des "éperduments de style" qu'il ne retrouverait jamais. Pour l'opérer de son "cancer du lyrisme", Maxime Du Camp et Louis Bouilhet, les deux amis, lui prescrivent un traitement de cheval : écrire un roman "à la Balzac", "terre à terre". Ce sera, contraint et forcé, Madame Bovary. Pas commodes, les temps qui s'annoncent pour ceux-là qui privilégient la phrase et le chant. Désormais le réalisme impose sa loi d'airain, les visions sont renvoyées au désert et les morts priés de ne pas ressusciter. Comme si cette fission entre la terre et le ciel renvoyait à une autre guerre secrète, déclenchée il y a plusieurs siècles autour de cette question de la double nature. La rencontre de Croisset, ultime avatar du concile de Nicée ?»Jean Rouaud.
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On connaît l'histoire : trois jours durant, le jeune Flaubert fit une lecture passionnée de La Tentation de saint Antoine à ses deux mentors en littérature, lesquels lui conseillèrent de la jeter au feu et de se garder de trop de lyrisme : la Bovary naissait. Mais en a-t-on bien apprécié l'enjeu ? Selon Jean Rouaud, il est capital : "Car sans Flaubert la littérature contemporaine ne serait pas ce qu'elle est. Et peut-être du coup le monde, car l'invention du réalisme objectif, c'est déjà un embryon d'idéologie." Son essai est à la mesure de cet enjeu, qui dépasse de loin l'histoire des lettres françaises – quel écrivain ne s'est pas posé la question Flaubert ? Rouaud, lui, n'hésite pas à convoquer Le Virginien, Bonanza, Dallas, Dynastie et le corps du Christ pour sonder les ressorts de la représentation. Il lui importe de savoir quel maître servait Molière lors même que le roman périclitait avec l'idéal aristocratique ; quel fut le poids de la prose de maître Jourdain ; pourquoi Stendhal se vit interdire de théâtre ? La vitalité du texte, qui procède par rebonds, le sans-gêne assumé à l'égard du panthéon littéraire national garantissent le propos de tout académisme. --Bertrand Gosselin
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