Extrait :
03.
Ari Mackenzie fut réveillé en sursaut par la sonnerie de son téléphone, à l'autre bout de l'appartement. Le soleil bas de l'hiver filtrait à travers les volets en rais de lumière blanche. Il se frotta les yeux, tourna la tête et regarda le réveil sur sa table de nuit. Il peina à lire les quatre chiffres rouges. L'image floue s'éclaircit lentement. 08 :13. Qui pouvait bien l'appeler à cette heure-là ?
Après plusieurs sonneries, le répondeur se mit en route. Ari se redressa sur son lit. Il hésita. À quoi bon se précipiter dans le salon, puisque, comme toujours, la personne allait raccrocher avant qu'il n'arrive ? Il connaissait le principe : c'était l'une des manifestations vicieuses de la loi de Murphy. Il grogna. Il avait horreur d'être réveillé ainsi, surtout quand il s'était couché tard la veille en compagnie d'un single malt écossais.
Dès le premier mot, il reconnut la voix de Paul. Paul Cazo, le plus vieil ami de son père. Rapidement, il comprit qu'il se passait quelque chose d'anormal.
«Ari ! Je t'en supplie... C'est très urgent. Viens me voir à Reims dès que tu peux. Aujourd'hui. Ça ne peut pas attendre. Je... Je ne peux rien te dire au téléphone. C'est très grave... Je...»
Ari bondit hors de son lit et courut vers le salon, mais quand il atteint le téléphone, Paul Cazo avait déjà raccroché et la cassette du vieux répondeur était en train de se rembobiner.
Il ouvrit brusquement le tiroir de la commode et en sortit son carnet d'adresses. Il composa rapidement le numéro de Paul Cazo. La ligne était occupée. Il pesta, raccrocha, puis fit le numéro une seconde fois, sans succès.
Sans attendre plus longtemps, il courut dans la salle de bain, enfila son jean et sa chemise blanche, attrapa son téléphone portable, puis partit vers l'entrée en glissant les pans de sa chemise dans son pantalon. Il prit son holster au portemanteau, y glissa le 357 Magnum Manurhin qu'il gardait caché dans une boîte à chaussures, puis il mit son trench-coat noir et sortit de l'appartement.
La dernière phrase de l'ami de son père résonnait dans la tête d'Ari Mackenzie tandis qu'il descendait en courant l'escalier grinçant de son vieil immeuble parisien : «Je ne peux rien te dire au téléphone.» Tournant autour de la vétusté cage d'ascenseur, il enjambait quatre à quatre les marches couvertes d'un lino rouge défraîchi. Arrivé en bas, il attrapa son téléphone dans sa poche et, sans s'arrêter, composa une nouvelle fois le numéro de Paul Cazo. La ligne était toujours occupée.
L'hiver était tombé bien vite sur la capitale, cette année-là. Pas un de ces petits hivers complexés qui vous frôlent gentiment la nuque, non, un bon gros hiver bulldozer qui remplit le métro de sans-abri, quand il ne les saisit pas d'un coup, foudroyés sur une grille de platane dans le silence des coeurs enneigés, un sale hiver de Première Guerre mondiale, qui fait fumer les bouches et monter les épaules des silhouettes en laine.
Biographie de l'auteur :
Né à Paris en 1972, Henri Lœvenbruck a pris goût à la musique et à la culture anglo-saxonne dès son plus jeune âge. Après ses études, il a vécu avec son épouse anglaise au Royaume-Uni, où il a enseigné le français. À son retour, il a exercé divers métiers. Intéressé par le journalisme, il s'est lancé dans la radio et la presse écrite, puis a créé son propre magazine de science-fiction avec un ami. Sous le pseudonyme de Philippe Machine, il a publié un premier polar en 1998 et a décidé de se consacrer entièrement à l'écriture. Le testament des siècles, thriller paru en 2003, remporte un succès international. L'auteur, désormais qualifié de « nouveau maître du thriller français» par le Nouvel Observateur, partage aujourd'hui son temps entre la littérature et la musique. Il est également l'auteur du Syndrome Copernic, L'Apothicaire , Nous rêvions juste de liberté(Flammarion 2007, 2011, 2015). Ses livres sont traduits dans plusieurs langues. Il revient en 2018 avec un nouveau roman : J'irai tuer pour vous (Flammarion).
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