Extrait :
Avant-propos de François Pinault :
Depuis toujours, je caresse le rêve de pouvoir présenter ma collection d'oeuvres d'art contemporain en Bretagne et de partager ainsi ma passion avec les Bretons.
À Venise, le drapeau breton flotte comme une déclaration de principe sur la façade du Palazzo Grassi et sur celle de la Pointe de la Douane. La Bretagne est une région par essence peuplée d'insoumis. Enfants d'un pays de bocage, les Bretons n'ont eu de cesse de se battre tout au long de l'histoire. La Bretagne est singulière et fière de l'être. Elle admet les différences, elle glorifie la ténacité, elle encourage l'action. C'est cette tradition bretonne que j'aime et que je souhaite poursuivre. S'il est vrai que l'homme ne progresse qu'en allant de l'avant, pour autant il ne peut faire abstraction de son origine, de la longue chaîne de ses souvenirs, en un mot de ce qui a forgé son caractère. L'avenir sans le passé est aveugle; et le passé sans l'avenir est vain. Michel-Ange l'a admirablement exprimé par ces mots : «Dieu a donné une soeur au souvenir, et il l'a appelée l'espérance.»
Tel est le propos de l'exposition «Qui a peur des artistes ?», dont j'ai confié le commissariat à Caroline Bourgeois. Son choix reflète la personnalité de la collection dans son enracinement historique et dans sa dimension la plus contemporaine. Le parcours qu'elle propose tend à susciter la curiosité des visiteurs et à éveiller leur conscience sur notre époque.
En effet, la fréquentation de l'art rappelle l'éclat et la fragilité de la vie. Une oeuvre d'art est l'expression d'une intelligence créatrice consciente qui repousse en permanence les limites que nous nous imposons, ou, pour le dire autrement, qui nous sort de la torpeur tranquille de nos habitudes. J'ai commencé à collectionner en achetant une oeuvre de Paul Sérusier de 1891, Cour de ferme en Bretagne, parce qu'elle me rappelait mon enfance. Plus je la regardais, plus elle me touchait. J'avais l'impression d'y percevoir un mystère, sans doute la part invisible de l'artiste. Depuis, je n'ai eu de cesse de visiter galeries et musées, mon oeil s'est exercé, mon esprit s'est ouvert. C'est ainsi que je me suis progressivement tourné vers l'art de mon temps. Les artistes contemporains innovent et inventent des règles et des formes nouvelles dans l'art en s'emparant de la multiplicité des techniques, des langages, des supports et des moyens d'expression existants pour nous emmener vers de nouveaux rivages, vers des territoires inconnus, et pour influencer explicitement et implicitement la perception du monde qui nous entoure. C'est d'ailleurs pourquoi la création contemporaine a, depuis toujours, suscité la perplexité, voire le rejet. En règle générale, le goût du public l'incite à se diriger vers ce qui le rassure. C'est inévitable, dès lors que la modernité se manifeste comme une succession de ruptures. Ce sont ces ruptures qui m'intéressent. Je souhaiterais que quiconque visite «Qui a peur des artistes ?» soit touché par une oeuvre, même une seule, dont il conserverait le souvenir, et que ce souvenir fasse naître en lui le désir d'en savoir plus.
Mon propos ne serait pas complet si je ne renouvelais pas ma profonde gratitude à Marius Mallet, le maire de Dinard, et à son épouse, Sylvie Mallet, pour m'avoir donné la possibilité de présenter mes oeuvres dans cette belle ville. Qu'ils soient sincèrement remerciés, tout comme l'ensemble des équipes qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour mener ce projet à bien.
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