Extrait :
PREMIERS VOLS
Il y a autre chose dans la vie des pilotes que les raids.
Le grand public ne voit trop souvent dans nos destinées que les heures brillantes, les moments où, après des années de préparation et d'entraînement, une réussite nous jette soudain dans l'éclat de l'actualité.
Notre vie est plus profonde, plus chargée de persévérance, d'efforts sans cesse renouvelés. L'aviation, ce n'est pas le raid. J'en ai accompli plusieurs, et, chaque fois, j'ai mis de mon côté toutes les chances que j'ai pu réunir, mais, aussi consciencieusement que l'on se soit préparé, on n'est jamais certain de l'être absolument.
Un raid ne consiste pas à s'asseoir dans une carlingue d'avion et à ouvrir les gaz qu'on ne refermera plus pendant trois jours. Un raid consiste à mettre au point pendant un an, pendant deux ans, un avion et ses accessoires.
Et encore faut-il avoir appris auparavant pendant de longues années, peu à peu et grâce à un travail quotidien, quelles peuvent être les surprises que réserve le vol, ses aléas et quel peut en être le remède, par où peut pécher une machine et aussi l'homme.
Le voyage n'est plus que le parachèvement de tout ce travail. Il en est quelquefois, mais non toujours, la récompense. Et pourtant, malgré tant d'incertitudes, encore, on a presque, en partant, une impression, non d'angoisse, mais de repos. Il semble réconfortant, après tant de luttes contre les détails matériels, toujours, contre les soucis d'argent, souvent, et contre les hommes, quelquefois, de n'avoir plus en face de soi que des orages et des brumes.
On pense : «Je vais partir. Ma réussite ne dépend plus que de mon moteur et de moi-même.» Et l'on se sent presque sauvé déjà.
En tout cas, la lutte sera franche. L'adversaire est celui que l'on a rencontré tous les jours dans un métier que l'on connaît bien. On connaît mal le labyrinthe des ministères ou l'âme des amis.
Avant de parler de quelques-uns de mes raids, je raconterai simplement ma préparation lointaine : la vie d'un pilote de ligne. Et cette préparation-là, bien des camarades l'ont subie. Et c'est un peu la vie d'une ligne aérienne que je raconterai en revivant mes souvenirs, car ce que j'ai vécu, d'autres l'ont vécu, et, en particulier, mes camarades de l'Aéropostale qui ont connu les mêmes épreuves, les mêmes échecs, les mêmes succès.
Ce sont les échecs bien supportés qui donnent le droit de réussir.
Si chacun d'eux vous fait perdre un peu de confiance, ils vous diminuent.
Mais si l'on accepte chacun d'eux comme un enseignement qui vous enrichit, on y gagne chaque fois un peu de science et, aussi étrange que cela paraisse, des motifs plus solides d'espérer ; un ennemi, chaque fois qu'on le méconnaissait, s'est découvert.
C'est la morale que l'on peut tirer, il me semble, des expériences que je vais raconter.
Quatrième de couverture :
Publié en 1937 quelques mois seulement après la disparition de Jean Mermoz dans l'Atlantique Sud, ce livre constitue l'ultime trace laissée par ce grand aviateur. Il renferme, intacts et émouvants, sous la forme d'instantanés, les épisodes extraordinaires d'une vie qui ne le fut pas moins.
Auteur. Pilote de courrier à 23 ans, premier pilote de la ligne Rio de Janeiro-Santiago du Chili par dessus la Cordillière des Andes, pionnier du vol postal direct au-dessus de l'Atlantique Sud (France-Amérique du sud), il a disparut à 35 ans peu de temps après avoir décollé de Dakar. Les conditions de l'accident lors de ce vol régulier restent à ce jour encore un sujet à polémiques.
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