Extrait :
PREMIÈRE PARTIE
CLAUDE. - Pardon, vous cherchez quelque chose ?
LE PÈRE. - Oui. Nous cherchons un auteur.
CLAUDE. - Un auteur ? Quel auteur ? Le Père. - N'importe lequel, monsieur.
CLAUDE. - Désolé, mais il n'y a pas d'auteur ici, et il n'y a même plus de pièce, alors vous savez... !
LA BELLE-FILLE. - Tant mieux, monsieur, tant mieux alors ! C'est nous qui allons pouvoir être votre pièce.
CHRISTOPHE, aux autres acteurs. - C'est qui, ces guignols ?
LE PÈRE, à la Belle-fille. -Oui, mais s'il n'y a pas d'auteur... (Au metteur en scène :) A moins que vous-même...
CLAUDE. - C'est une plaisanterie ?
LE PÈRE. - Pas du tout, monsieur, au contraire, nous vous apportons un drame douloureux.
LA BELLE-FILLE. - Et pour vous un succès assuré !
CLAUDE. - Écoutez, ici on travaille, dégagez le plateau, on n'a pas de temps à perdre avec des fous.
LE PÈRE, blessé et mielleux. - Monsieur, vous savez que la vie est pleine d'absurdités qui ne cherchent même pas à paraître vraisemblables : parce qu'elles sont vraies.
CLAUDE. - Quoi ?
LE PÈRE. - Je veux dire que les vrais fous, ce sont ceux qui s'efforcent de faire le contraire, de fabriquer à tout prix du vraisemblable pour que ça ait l'air vrai. Mais vous me permettrez de vous faire observer que, si c'est là de la folie, c'est en tout cas l'unique raison d'être de votre métier.
Indignation des acteurs.
CHRISTOPHE. - Ils se prennent pour qui, ceux-là ?
CLAUDE. - Alors comme ça, notre métier est un métier de fous ?
LE PÈRE. - Faire paraître vrai ce qui ne l'est pas, comme ça, sans nécessité, juste par jeu... Votre fonction est bien de donner vie sur scène à des personnages imaginaires ?
(...)
Biographie de l'auteur :
Né le 28 juin 1867 au lieu-dit Le Chaos, près d'Agrigente, en Sicile, Luigi Pirandello obtient de son père, administrateur de soufrières, de faire des études de lettres qui le mènent de Palerme à Rome et de Rome à Bonn. Revenu en Italie, il se mêle aux milieux littéraires de la capitale, écrit des nouvelles, des romans et connaît son premier grand succès avec Feu Mathias Pascal (1904). C'est le théâtre, cependant, qui lui apporte une célébrité d'abord nationale, puis internationale, dans les premières années de l'après-guerre. Pirandello ne cesse de composer dès lors des pièces et des œuvres en prose qui lui valent d'être élu membre de l'Académie Royale d'Italie en 1929 et de recevoir le prix Nobel de littérature en 1934. Il meurt en 1936.
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