Extrait :
GUITE
Martin ne pouvait en juger vraiment, penché sur l'eau de la fontaine. Elle ne lui renvoyait qu'une image obscurcie par le reflet des feuillages. Il en fut convaincu quand, du bout de l'index, il effleura sa lèvre supérieure. Au-dessus, un duvet déjà vigoureux était apparu.
Le garçon n'en fut pas peu fier. Il se redressa, regarda autour de lui pour voir si personne ne venait, à qui il aurait demandé confirmation de sa découverte. La forêt était indifférente aux changements que Martin sentait s'opérer en lui. Personne ne venait.
Depuis le départ de Peirot, les feuilles avaient roussi, étaient tombées. Les bourgeons avaient éclos, les oiseaux chanté, bâti leurs nids, élevé des couvées, et plusieurs d'entre eux s'en étaient allés aux premiers vents d'automne. Cela s'était répété une fois, une autre fois encore et pendant ce temps, Martin s'était enfoncé dans la futaie pour ramasser le bois mort de sa servitude. Les cuisines du château et le four banal en exigeaient toujours davantage. Le jeune serf y suffisait à peine.
La plus grande partie de la journée se passait en allers et retours, les reins douloureux à tant porter de lourdes charges. Mais lorsqu'il pénétrait dans la forêt après avoir échappé à l'enfermement des murailles et aux récriminations de La Violette, cette ogresse qui crachait son éternelle mauvaise humeur entre broches tournantes et gibiers marines, c'était comme si un air de liberté s'était mis à souffler.
Et pourtant... Pourtant un peu de regret lui écornait le coeur quand il songeait à celui qui était parti. Il lui semblait que la forêt le lui avait donné un moment pour mieux le lui reprendre ensuite. Et encore si elle l'avait repris, si elle avait accordé de nouveau sa protection à Peirot en un de ces endroits tellement reculés qu'ils étaient ignorés de tous, Martin aurait su retrouver l'ami des temps heureux au bord de la fontaine. Mais non, elle l'avait laissé s'enfuir sur le chemin de Compostelle.
Présentation de l'éditeur :
Un vent de nouveauté souffle sur le village de Martin : le seigneur Guilhem a décidé de faire construire un moulin. Mais lequel des villageois en sera le meunier ? Ce n'est pas un métier que l'on confie à un serf tel que Martin. Pourtant le sort le choisit pour ce difficile apprentissage et lui offre la promesse d'un destin nouveau. Il trouvera l'amour, et pourra réaliser un rêve qu'il n'osait plus formuler...
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.