Extrait :
I. POMPÉI
9e année du règne de Vespasien
Calendes de mai, an 78
Comme chaque matin, le bébé de la maison mitoyenne réveilla Lucius. Agacé par les cris stridents du nouveau-né, que rien ne semblait vouloir calmer, il pesta :
- Par Jupiter ! Quand ta mère va-t-elle se décider à s'occuper de toi ?
Son frère, sur lequel il venait de poser le regard, grogna dans son sommeil :
- Moi, si j'ai des enfants, je les veux tous muets ! Lucius sourit à la remarque : bien que son aîné de quatre ans, Beryllus était simple d'esprit... Pas méchant, non, mais il réfléchissait comme un enfant de sept ans.
Couchés sur le dos, les yeux vissés au plafond, ils écoutèrent les premiers bruits de la rue : Bello-Bello, l'âne du boulanger, poussait ses braiments convulsifs ; Ça et là, les coqs, auxquels les aboiements des chiens faisaient écho, s'évertuaient à réveiller les Pompéiens, tandis que, par intervalles, oies, poules ou canards y ajoutaient leurs caquetages ou cancans.
Comme chaque matin, les deux frères attendirent que Papiria frappât le pied de l'échelle à l'aide de son bâton pour marquer le début de la journée de travail. Lorsqu'elle le fit, tous les commis s'extirpèrent des différentes soupentes, le cheveu en bataille, la tunique froissée, les paupières fripées.
Après s'être débarbouillés, ils s'installèrent un à un sur des bancs et dévorèrent des fouaces arrosées d'huile d'olive et recouvertes de fromage de chèvre, se passant la cruche de lait. Le ciel, au-dessus de leurs têtes, était rose et encore nimbé des brumes matinales.
Peu à peu les dernières bribes de sommeil s'estompèrent et les voix commencèrent à s'affirmer : la foulonnerie s'éveillait. Lorsque Stephanus, le maître des lieux, apparut sur le seuil de son officine privée un gobelet à la main, les commis comprirent qu'il était temps pour eux de se mettre au travail.
Lentement, chacun se leva et alla s'atteler à sa tâche : les commis foulaient le linge dans les bacs remplis d'urines puis les passaient à Papiria, qui le jetait dans un bassin rempli d'eau chaude et de soude, y ajoutait de la craie en poudre puis le battait pour en infiltrer la trame ; d'autres ouvriers prenaient le relais, rinçant et essorant le linge avant de le mettre à sécher sur la terrasse ? Lullo, quant à lui, soumettait les tissus destinés aux autels à un soufrage pour les rendre encore plus éclatants, les suspendant sur une cage d'osier placée au-dessus d'une chaudière allumée. Puis, inlassablement et dans une touffeur infernale, Cissa, la vieille repasseuse, oeuvrait avec sa presse pour rendre un linge impeccable à la clientèle.
Présentation de l'éditeur :
À l'approche des grands jeux du cirque, la cité est en effervescence. Toute cette agitation semble d'ailleurs monter à la tête de Beryllus : le dieu des Enfers lui aurait prédit que Pompéi serait bientôt détruite par le Vésuve ! Son récit fait rire la ville entière : que pourrait-on craindre de cette belle montagne qui surplombe la ville ?
Historienne, spécialiste du Moyen Âge, Anne Pouget écrit pour la jeunesse et les adultes, et anime des ateliers de recherche et d'écriture. Elle est notamment l'auteur, chez Casterman, du roman Les brumes de Montfaucon, récompensé par deux prix prestigieux, d'un recueil de contes fantastiques indiens, Les Énigmes du vampire (collection Épopée), et plus récemment de Romans Feeling, Si Dieu le veut Inch' Allah et Le Mystère des pierres.
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