Présentation de l'éditeur :
Un homme mort est un homme mort. Il n'est qu'un homme mort. Il est plus, et peut-être aussi moins, qu'un chien ou qu'un chat mort.
En 1943, Curzio Malaparte, grand correspondant de guerre et officier de liaison auprès des Alliés, se trouve à Naples avec les troupes américaines venues libérer le pays. Entouré de ces hommes fraîchement débarqués en Europe, que les années de combat et de désillusion n'ont pas encore abîmés, l'auteur entreprend une tragique odyssée à travers une Italie en ruine, livrée à la misère et au chaos. Partout on se livre aux plus viles exactions. Comme un écho au tumulte des hommes, le Vésuve entre en éruption, les animaux meurent au supplice, la terre se déchire.
De page en page, la complexité de ces destins happés par la brutalité de l'Histoire se déploie sous l'oeil de l'auteur, intransigeant jusqu'à l'écoeurement avec la cruauté des faits. Et c'est là la force de son récit : outre la beauté de son style, c'est sa capacité à s'indigner et à indigner le monde qui demeure remarquable. Curzio Malaparte poursuit avec La Peau sa magistrale entreprise de témoignage sur la Seconde Guerre mondiale.
Curzio Malaparte est une figure politique et littéraire du XXe siècle. Né en 1898 près de Florence, il est mobilisé en 1940 comme capitaine correspondant de guerre. Après la chute de Mussolini il public la première partie de son témoignage, Kaputt (Denoël, 2006). La Peau, qui lui fait suite, paraîtra en 1949. Romancier et essayiste, il meurt en 1957, à Rome.
Extrait :
La peste
C'était pendant les jours de la «peste» de Naples. Chaque après-midi à cinq heures, après une demi-heure de punching-ball et une douche chaude au gymnase de la P.B.S., Peninsular Base Section, le colonel Jack Hamilton et moi descendions à pied vers San Ferdinando en jouant des coudes parmi la foule qui, depuis l'aube jusqu'à l'heure du couvre-feu, se pressait bruyamment dans la via Toledo.
Nous étions propres, bien lavés, bien nourris, Jack et moi, au milieu de la terrible foule napolitaine, lugubre, sale, affamée, vêtue de haillons, que des bandes de soldats des armées libératrices, composées de toutes les races de la terre, bousculaient et injuriaient dans toutes les langues et dans tous les patois du monde. L'honneur d'être libéré le premier était échu, parmi tous les peuples d'Europe, au peuple napolitain, et pour fêter une récompense si méritée, mes pauvres Napolitains, après trois années de famine, d'épidémie, de féroces bombardements, avaient accepté de bonne grâce, par amour de la patrie, la gloire ardemment désirée et enviée de jouer le rôle d'un peuple vaincu, de chanter, d'applaudir, de sauter de joie parmi les ruines de leurs maisons, d'agiter des drapeaux étrangers, ennemis la veille encore, et de jeter des fleurs sous les pas des vainqueurs.
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