Revue de presse :
La Pâque sonne désormais dans la discrétion d'un paysage sonore, tout entier sous le joug du flux continu des bruits automobiles. Le reste du temps, l'on n'entend guère vraiment que le son civique de l'instrument municipal par excellence : la sirène des pompiers. Seuls semblent devoir survivre dans nos mémoires, le clocher de Saint-Hilaire ou l'église de Combray, prenant dans l'œuvre de Proust et pour l'éternité conscience d'elle-même dans "l'effusion de sa flèche"...
Quand donc a eu lieu ce basculement de la culture sensible ?
Le langage des cloches rythmait les relations entre individus. Comment imaginer aujourd'hui leur puissance émotionnelle, la complexité des codes alors en jeu ? Comment comprendre le fonctionnement de la sonnerie communautaire comme marqueur symbolique des identités ? C'est tout ce système d'affects disparus - quand l'espace des sons était fragmenté et qu'il n'existait pas de bruits continus comme ceux de l'avion - que Corbin décrit magistralement dans son étude. La désacralisation de l'espace et du temps, le double système temporel du XIXè siècle (cloche contre horloge), le lent transfert d'émotion du rythme cosmique au temps civil... En lisant ce travail, on ne peut pas ne pas songer à l'étude non moins splendide d'Eugen Weber sur La fin des terroirs. Mais là où ce dernier posait le transfert du sentiment de la localité vers l'identité nationale, Corbin, très justement, parle de sa captation, la République n'ayant jamais cherché à l'éradiquer. Une étude splendide !--Joël Jégouzo-- -- Urbuz.com
Présentation de l'éditeur :
Reconnu comme le grand historien des sens et de l'évolution des sensibilités, Alain Corbin, auteur notamment du Miasme et la Jonquille, consacre Les Cloches de la terre à l'étude du " paysage sonore ".En exploitant pour la première fois les quelque dix mille affaires de cloches que le XIXe siècle nous a laissées, il découvre à quel point ces sources insolites sont au centre de tout un ordre symbolique. La cloche préside au rythme de la vie rurale, oriente son espace ; elle définit une identité et cristallise un attachement à la terre. La sonnerie constitue un langage, fonde un système de communication et accompagne des modes oubliés de relations entre les individus, entre les vivants et les morts. Enfin, qu'il s'agisse de traduire liesse, la menace du feu ou du sang, la terreur des épidémies, il n'est pas de profonde émotion collective qui n'implique un recours à la cloche. Du même coup, maîtriser l'usage de la sonnerie constitue un enjeu majeur dans le déroulement des luttes de pouvoir qui agitent les microcosmes campagnards.L'historien, dans cet ouvrage brillant, se tient à l'écoute des hommes du passé, en vue de détecter et non de décréter les passions qui les animaient et de comprendre un monde récemment disparu.
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