Psychologue et médecin, élève de Charcot. Sur le modèle des "zones hystérogènes" de celui-ci, il invente les "zones érogènes" qui seront reprises par Freud dans sa théorisation de l'hystérie. Il est connu pour ses études sur le développement de l'intelligence, sur les relations entre l'âme et le corps, titre d'un de ses livres. Mais il l'est beaucoup moins sur le théâtre des études de cas mis en scène au Grand Guignol avec André de Lorde. Ce sont ses études sur les Altérations de la personnalité qui l'avaient amené au théâtre. Fondateur de la revue l'Année psychologique, il publie en 1882 un article qui fait date puisque, partant des études sur le fétichisme social et dans les religions initiées par le Président de Brosses au XVIIIème siècle, il importe ce concept dans les faits amoureux avec Le fétichisme dans l'amour qui devient par la suite un ouvrage à part entière. Certaines expériences vécues dans l'enfance peuvent conditionner les rencontres amoureuses, créant ce que Stendhal a appelé un phénomène de "cristallisation". Ce texte est l'une des sources de la théorie sexuelle infantile chez Freud, et des choix sexuels marqués par des scénarios fétichistes.
Fétiche : du portugais
feitiço, chose enchantée ; du latin
facticius, objet factice, sans importance. La notion de fétichisme n'eut pas toujours la signification sexuelle qu'elle connaîtra au XXe siècle. Auguste Comte, par exemple, en faisait la religion primitive de l'humanité, et Marx retrouvait le culte idolâtre de l'objet matériel au cœur du libre marché, à travers ce qu'il appelait le fétichisme de la marchandise. Il reviendra à Alfred Binet, dans ce lumineux petit texte publié en 1887, d'appliquer cette notion à la vie amoureuse et de lui ouvrir ainsi la voie de sa véritable postérité. Freud, dans ses
Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), emboîtera le pas au psychologue français en rangeant le fétichisme parmi les perversions sexuelles.
Qu'est-ce que le fétichisme en amour ? Sous sa forme la plus grave, c'est l'attachement sexuel exclusif à une partie du corps de l'autre ou à un objet qui lui est lié. Dans la mesure où l'amour survalorise toujours tel ou tel trait physique de l'être aimé, n'est-il pas dans sa nature d'être fétichiste ? L'auteur répond avec beaucoup de finesse dans une langue littéraire maîtrisée qu'on ne trouve plus guère sous la plume des psychologues d'aujourd'hui. --Émilio Balturi