Karl löwith et la philosophie

Donaggio, Enrico

ISBN 10 : 2228909009 ISBN 13 : 9782228909006

Editeur : PAYOT, 2013

Synopsis

268pages. in8. Broché.

A propos du livre

Extrait :

La philosophie comme profession

Le jour de son soixantième anniversaire, de retour en Allemagne après plusieurs années d'exil en Italie, au Japon et aux États-Unis, Karl Löwith évoque ainsi l'époque de sa passion naissante pour la philosophie : «On survit à d'autant plus de choses qu'on vit plus longtemps [...]. Si toutefois je me demande quelle a été la meilleure période de ma vie, la période la plus pleine, vous pouvez alors être sûrs que ce furent les années catastrophiques qui ont suivi la Première Guerre mondiale, lorsque je me rendis à Fribourg pour étudier avec Husserl, le jeune Heidegger et le biologiste Spemann [...]. Encore aujourd'hui, d'un point de vue spirituel, on se nourrit entièrement de la pensée de ces années-là : Le Déclin de l'Occident de Spengler, L'Épître aux Romains de Karl Barth, Être et Temps de Heidegger, Max Weber, Karl Jaspers, Stefan George, Hofmannsthal, Rilke, Kafka. Or, ce qu'on laisse échapper dans ses premières années d'étude, on ne le rattrape plus ensuite.»
Dans les rares occasions où il a publiquement levé un voile sur sa biographie intellectuelle, Löwith n'a jamais manqué de célébrer cette époque extraordinaire où une tradition solidement ancrée a succombé aux assauts d'une critique radicale. Les jeunes de notre temps - dit-il à la fin des années soixante, à l'adresse d'une nouvelle génération de révoltés - «ne parviennent pas à se faire une idée adéquate [d'une telle radicalité], parce que ce n'est pas après avoir surmonté une catastrophe qu'ils se rebellent, ce n'est pas dans un élan de faim authentique, mais par dégoût et satiété». Ces formules rhétoriques et façonnées par leur époque ne disent toutefois rien, ou presque rien, des incertitudes ou des doutes qui ont accompagné son choix d'embrasser la profession de philosophe.
Fils d'un juif d'origine morave ayant épousé une juive de Vienne et devenu peintre à succès, Karl Löwith est né à Munich le 9 janvier 1897. À travers le filtre de la fiction, il raconte son adolescence dans un roman autobiographique de 1926 : «Fiala. L'histoire d'une tentation». Dans ces pages non destinées à la publication, Hugo Fiala, le personnage éponyme, n'est pas décrit comme un héros mais comme un «fugitif-né», victime d'une «passion délicate pour les amitiés exclusives» et d'une pensée «tenace, presque acharnée». Aux yeux de son père, qui entretient des relations d'affaires avec la bonne bourgeoisie de Munich et partage ses valeurs, il apparaît comme une «contradiction vivante». Seule sa mère tente de déchiffrer cette «énigme incompréhensible», qu'elle parvient «souvent à deviner, mais jamais à accepter».
En octobre 1914, lorsque éclate le conflit mondial, Löwith quitte le lycée et s'engage dans l'armée comme volontaire. Des déceptions personnelles et une première lecture du Zarathoustra de Nietzsche l'ont convaincu, comme de nombreux jeunes gens de sa génération, que le «chemin vers soi-même» passe nécessairement par une rupture périlleuse avec la normalité. C'est donc avec enthousiasme qu'il prend part à une guerre qui marque non «seulement la fin d'un siècle, mais d'une époque entière», et qui amorce un recommencement décisif pour la culture européenne. Blessé dans les Dolomites en août 1915, il est fait prisonnier et reste en Italie jusqu'à la seconde moitié de 1917. Dans la «beauté parfaite du Sud», il s'éprend d'un «amour durable pour l'italianité» conçue comme une forme innée d'humanitas, comme un souci instinctif des faiblesses humaines qui, selon lui, est largement ignoré des Allemands.

Présentation de l'éditeur :

Karl Löwith (1897-1973) reste en France un auteur peu connu. Cet ouvrage vise à remédier à cette lacune. Fondé sur une riche documentation, comprenant notamment les lettres échangées avec les grandes figures philosophiques du XXe siècle, il se présente comme une biographie intellectuelle de l'auteur de De Hegel à Nietzsche et du diptyque Max Weber et Karl Marx.
Löwith fut le premier élève de Heidegger, avec lequel, dès ses années d'études, il noua un dialogue critique destiné à se prolonger jusqu'à sa mort. Il fut contraint par l'antisémitisme nazi à un long exil en Italie, au Japon et aux États-Unis. À son retour en Allemagne, il devint l'un des critiques les plus pertinents de son ancien maître, dont le ralliement au nazisme avait définitivement révélé les aspects les plus inacceptables de sa pensée.
Critique de la modernité, Löwith est un penseur sceptique qui s'interroge sur le sens de la philosophie après la mort de Hegel et sur la responsabilité de la philosophie dans le mal qui a dévasté le XXe siècle. Il place sur le banc des accusés l'un des mythes fondateurs de la pensée philosophique et politique moderne, selon lequel l'homme est maître et possesseur de son propre destin.
Adversaire de la «pensée historique», il ne saurait cependant être tenu pour un néoconservateur soucieux de rétablir l'ordre des valeurs menacé par l'historicisme moderne. Dans sa quête d'une extériorité à l'histoire, il s'efforce de saisir «dans ses justes proportions» notre rapport au monde, contre toute représentation illusoire de la réalité. Se tenant à distance de toute confiance excessive dans la philosophie, toujours portée par un désir de maîtrise, comme de toute «pensée faible», il pratique une philosophie qui se déploie dans l'élément de l'inquiétude et du doute.

À propos de cette édition

• Éditeur: PAYOT
• Date d'édition: 2013
• ISBN 10: 2228909009
• ISBN 13: 9782228909006
• Reliure: Livre broché
• Nombre de pages: 272