Extrait :
Espèce de voyage
La scène se passe au paradis.
LE NARRATEUR D'À LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
Il entre, en retard, salue, s'assied,
pose son chapeau par terre.
Je suis comme ces voyageurs qui, ne pouvant se résoudre à renoncer à un voyage qui les tente, tâchent de se mettre en retard, de manquer le train pour être forcés de ne pas partir. (Il sort un mouchoir de sa poche, l'applique contre sa bouche et pouffe de rire.)
VLADIMIR NABOKOV
Fermant un ouvrage sur les papillons. Dans un voyage, le premier chapitre est toujours lent et détaillé, les heures du milieu vous endorment et les dernières passent vite.
LOUIS-FERDINAND CÉLINE
Ricanant.
Oh, certainement, cher Maître, très juste !.. très juste !
CHARLES DE BROSSES
Veste de brocart, gilet de soie rose, culotte en velours olive, bas de soie crème. 11 empoche une miniature représentant une prostituée de Venise.
Messieurs les voyageurs rarement quittent le ton emphatique en décrivant ce qu'ils ont vu, quand même les choses seraient médiocres ; je crois qu'ils pensent qu'il n'est pas de la bienséance pour eux d'avoir vu autre chose que du beau.
STENDHAL
Louchant sur la miniature. Il fait semblant d'être grave.
La toute-puissante habitude nous empêche d'être sensibles à cette laideur.
JEAN COCTEAU
On dirait au 'il a des papillons à la place des mains
qui soulèvent ses bras.
Ce que les voyageurs ne nous racontent jamais (sans doute ils le racontent, mais il faut notre propre expérience), c'est la manière dont la beauté se présente et l'endroit exact qu'elle occupe. Ils la détachent du reste. Ils l'observent comme si elle tournait sur un socle sans rien autour.
HENRI MICHAUX
Il tourne sa tête d'insecte de côté Ton montant à l'aigu. Le voyage ne rend pas tant large que mondain, «au courant», gobeur de l'intéressant coté, primé, avec le stupide air de faire partie d'un jury de prix de beauté.
Revue de presse :
De Lille à Saigon, de Saumur à Athènes, Charles Dantzig a la bougeotte mais retrouve partout ses marottes. Très drôle !...
Il est fait pour transpirer en Malaisie comme la Meuse pour servir d'affluent à l'Amazone et ne comptez pas sur la chaleur équatoriale pour faire pousser les superlatifs sous sa plume : à Singapour, il lit Somerset Maugham, point final. Même l'affreuse avenue d'Italie, étalée dans le XIIIe arrondissement, le choque alors qu'il croyait l'avoir laissée à Sarcelles. De toute manière, il y a partout trop de monde. Du coup, où qu'il soit, il pense à autre chose, ailleurs. Avec lui, le tourisme ressemble à la chasse : tout comme le chasseur ne prend pas rendez-vous avec le gibier, Dantzig saute du coq à l'âne et ne traite jamais le sujet qu'il annonce. Mais, pas d'angoisse, avec lui, en voyage dans nos canapés, on ne s'ennuie jamais. (Gilles Martin-Chauffier - Paris-Match, novembre 2013)
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.