Un mot de l'auteur :
Une promesse est mon deuxième roman. L'histoire se passe en Mayenne, dans un village. Elle pourrait se passer partout ailleurs, mais comme je l'ai écrite en Mayenne, elle se passe sous le ciel de Mayenne. Ce sont sept personnes, sept amis qui ont fait promesse à deux autres de retarder le deuil. Ces amis sont absolument persuadés qu'il est possible de déjouer la mort, de la faire regarder ailleurs, dans une autre direction, de l'amuser, de l'endormir, qu'elle se mette brutalement en sommeil. Ces sept amis ont envie de retenir deux des leurs, et ils vont tout faire pour que, dans cette maison - tout se passe dans une maison qui s'appelle Ker Ael -, la mort erre à la recherche des deux mais ne les retrouve pas. Ces amis ont des tâches quotidiennes, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi : l'un d'eux ouvre les volets, allume les lumières, fait du bruit, l'autre chantonne, récite des poésies à voix haute. L'idée est que la mort ne se rende pas compte que la mort est dans la maison, qu'elle ne se rende pas compte que ces deux amis sont vieux, sont en train de partir doucement, et qu'elle attende leur départ, qu'elle attende qu'ils se reposent, qu'ils se taisent, qu'ils ne fassent plus de bruit. Ces amis sont donc en train de faire du bruit pour eux, sont en train de vivre pour eux, sont en train d'imaginer pour eux la vie que ce pourrait être si les deux étaient encore en vie. Il y a là Le Bosco, qui est le frère d'Étienne, une des deux personnes âgées ; il y a Fauvette, qui est la femme d'Étienne. Et autour du Bosco, de ceux qui ont fait la promesse, il y a Ivan ; il y a Bertevin qu'on appelle l'Andouille - vous saurez pourquoi - ; il y a Madeleine qui est une femme formidable ; il y a tous ces gens-là qui ont vraiment fait promesse de retarder le deuil. Mais nous sommes humains, et une promesse dure un mois, deux mois, trois mois, quatre mois, cinq mois, et au bout de dix mois - c'est le but de ce livre -, la promesse cesse, parce que nous sommes humains, parce que c'est difficile, parce que nous ne pouvons pas toujours vivre de promesses. Et quand la promesse cesse, il faut réapprendre le deuil, comment faire le deuil. Lorsque j'ai écrit ce texte, j'avais vraiment de plus en plus envie, tout le long du texte, d'être avec ces gens, dans ce café, dans ce village ; j'avais envie de les connaître, de les toucher, de boire des coups avec eux. J'espère vraiment que vous aurez la même envie. J'espère vraiment que vous serez dans le café avec moi, avec eux, dans le village, avec moi, avec eux, et vous verrez que c'est extrêmement difficile de les quitter et en même temps, je suis persuadé qu'ils existent quelque part. Ils vous disent à bientôt, et je vous dis à bientôt aussi.
(Propos recueillis par téléphone)
Extrait :
La visite de Léo à Etienne et Fauvette
- La visite, murmure Etienne Pradon. Fauvette ne répond pas. Assise à la table aux coquelicots, elle remplit ses grilles, des lettres de case en case jusqu'à en oublier le temps. Lorsqu'elle est dans son jeu, Fauvette n'écoute rien de la maison. Ni les pas de son mari dans le couloir, ni la petite horloge suisse, ni leur silence, ni aucun des bruits du dehors. Etienne marche vers la penderie. Il dit que la veilleuse du grenier vient de s'éteindre, qu'il faut remplacer l'ampoule, qu'il doit en rester une neuve dans le carton à électricité. Il parle comme ça, tout haut, pour lui seul comme à son habitude. Puis il s'arrête contre la porte et se tourne vers elle en disant :
- La visite.
Fauvette Pradon lève les yeux. Elle observe son vieil homme. Il a son front de peine, ses rides profondes, ses paupières lourdes et la bouche en soucis. Elle enlève ses lunettes, les laisse retomber au bout de leur cordon. Elle penche la tête.
Elle l'entend à son tour. Un pas traînant qui vient sur le gravier. Léo Mottier. Il racle ses semelles sur les marches humides. Il est devant la porte. Il tousse. Il tire le cordon qui entraîne la cloche de l'entrée. Un coup furtif, respectueux, un timbre de politesse.
Etienne ferme les yeux. Il s'est adossé au mur. Sur le perron de Ker Ael, des chaussures familières froissent trois pas. Maintenant, Léo doit reculer pour regarder la façade, les volets clos, l'entrée du jardin, la remise et sa fenêtre cassée. Il doit être mains sur les hanches, la casquette de travers, la cigarette éteinte au coin des lèvres.
- Il va frapper, murmure Etienne.
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