Un mot de l'auteur :
On se le demande souvent quand on entre dans l'univers d'un auteur et bien sûr la lectrice assidue que je suis se pose souvent ces questions. D'où sort cette histoire et suis-je sous le charme de ce héros, de cette héroïne ou de celui qui tient les ficelles de sa destinée, à savoir son auteur. Et là je vous arrête tout de suite. Nous avons un problème... Parce qu'en tant que lectrice passionnément amoureuse des livres, je voudrais bien que ce personnage de papier fût un peu plus vrai, qu'il fût cet auteur, femme ou homme, qu'importe si ses sentiments résonnent (raisonnent ?) sur ce que j'aime...
En catimini, pour ne pas que l'héroïne y mette son grain de sel, il faut bien que je vous le dise : je ne suis pas Marie. Mais je n'ai pas tenu les ficelles de son personnage bien longtemps. Elle a commencé par sauter de nouvelle en roman, bondissant des trente pages prévues à soixante-dix puis trois cent cinquante. Elle m'a obligée à dire «je» pour que je me mette à sa place et que j'éprouve ce qui était en train de lui arriver... Dame, une perte de douze ans de sa vie, ce n'est pas rien... Imaginez un peu que j'ai fait de son histoire un scénario, avec la distance qu'on imagine.
«Intérieur jour : Marie fouille dans un tiroir. Elle retrouve un carnet de chèque.»
Nous sommes loin de : «A la caisse, un incident me replonge dans l'angoisse de l'erreur du quotidien. On me demande mon numéro de carte.»
Ah oui, on peut le dire, Marie ne m'a pas lâchée et son histoire s'est écrite comme si ma main était tenue de continuer, d'oublier les crampes. Parfois en relevant le front je me demandais ce que cette course voulait dire, pourquoi j'étais dans cette urgence. Aujourd'hui je le sais. Ce sont les lecteurs qui me le disent. C'est complètement vous ! Voilà c'est dit, dans le vif du suspense, Marie m'a dérobé une partie de mon être qui m'était inconnue et que je trimballais sans le savoir.
Frédérique Deghelt
Extrait :
Pendant longtemps j'ai cru que je rêvais. J'allais me réveiller, la gorge sèche, la bouche pâteuse et une soif d'eau pour éteindre l'incendie d'une cuite mémorable !
Non. Il faut que je m'en tienne à ce qui vient de l'enfance. Il me faut rester lucide, rattachée au début de ma vie. J'ai été élevée par ma grand-mère. Elle croyait en tout. En Dieu d'abord. Au diable ensuite, à ses saints, à ses agents secrets, aux signes du ciel, aux superstitions les plus diverses, aux insinuations de la voisine et au baratin du marchand de fromages. Autant dire qu'une vie dans un tel village avec une grand-mère remplie de foi n'aide pas à faire la part des choses.
Passons rapidement sur les premières années avec ma grand-mère, une mère toujours en voyage, un père disparu dans la nature. Ensuite il y a les études supérieures d'histoire, la thèse, la peur terrible d'être enseignante, la terreur du miroir, se voir vieillir dans les yeux de ses étudiants. Le rapport au temps... Déjà ! Etre à l'école sur un banc puis sur la chaise d'en face de peur d'être trop dépaysée par la vie ! J'ai attrapé le premier bus quittant le campus et j'ai réintégré la vie presque normale des travailleurs de l'entreprise. Me voici partageant chaque jour l'ambiance fascinante de la machine à café, les obsessions des supérieurs, la flagornerie des inférieurs et la comédie des réunions du début de la semaine. Je me trouvais la plupart du temps dans des services de communication. C'était la mode. On avait besoin de "communicants", autant dire de mutants...
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