Revue de presse :
Dans ses meilleures pages, Frédéric Roux atteint des sommets, l'art d'écrire «hard-boiled», dégraissé jusqu'à l'os : on pense à Jim Harrison, Cormac McCarthy, Raymond Carver, enterré dans ce Port Angeles où se déroule l'«hiver indien». Frédéric Roux décrit avec talent et rage un monde devenu fou. Oubliez le «Call of the Wild» de Jack London. Pensez plutôt à ce que pourraient faire, au cinéma, les frères Coen avec pareil sujet. (Guillaume Chérel - Le Point du 3 janvier 2008)
L'Hiver indien ne ressemble à rien de ce qu'il a publié...
Frédéric Roux aurait pu se trouver un patronyme anglo-saxon et faire croire à une traduction ; on n'y aurait vu que du feu. On aurait vanté sa dextérité à réveiller les mythes du Nouveau Continent, à faire rugir les eaux de Moby Dick et à revaloriser les déclassés. On aurait - qui sait ? - parlé d'un disciple de Jim Harrison, défenseur comme lui d'une cause indienne à mille lieues de l'image d'Epinal. On aurait salué les références cinématographiques, en particulier à La Horde sauvage, de Sam Peckinpah. Et la qualité de la bande-son : ce roman est un hommage à la country, à Johnny Cash, Bob Dylan, Kris Kristofferson, Willie Nelson, Tom Russell, Various Artists... (Jean-Luc Douin - Le Monde du 11 janvier 2008)
Et la baleine, dans tout cela ? Elle est évidemment une utopie, une abstraction - en ce sens, le point aveugle de ce roman assurément bien moins innocent qu'il y paraît de prime abord...
On est aussi loin que possible de l'épopée, de Moby Dick, du combat épique aux accents bibliques. Plutôt dans l'antichambre du réel et de l'action. Dans une allégorie pleine de dérision du monde contemporain, des vains combats, de la vacuité spirituelle, qui se déchiffre en filigrane d'un tableau des Etats-Unis dans lequel l'ironie se joue superbement des stéréotypes et des clichés. (Nathalie Crom - Télérama du 6 février 2008)
Une bande d'Indiens en quête de paradis perdu. Quand Frédéric Roux décide d'égaler les géants des lettres américaines. Depuis que Jim Harrison a déterré la hache de guerre pour danser avec les loups, la littérature d'outre-Atlantique est devenue une gigantesque réserve d'Indiens. Surprise : un Français au punch de boxeur, Frédéric Roux, vient de s'aventurer sur les mêmes terres en signant une saga à l'américaine, avec ce qu'il faut de vie sauvage et de packs de bière pour ressembler à l'auteur de Dalva - mais en beaucoup plus parodique, comme si Groucho Marx était passé par là. (André Clavel - L'Express du 7 février 2008)
Mais l'ancien pugiliste (et biographe de Mike Tyson) a changé de catégorie : sans rien perdre d'une irréfutable élégance acquise dans le noble art (s'il prend des gants pour dire les choses, c'est pour frapper là où ça fait mal, cueillir le lecteur au plexus et ne plus le lâcher), il a pris de l'allonge, gagné en endurance et boxe désormais chez les poids lourds. Il a acquis la force, «cette qualité royale» que Claudel enviait tant à Bernanos, et dont on se demandait si elle n'avait justement pas déserté le roman français...
«L'Hiver indien» est dédié aux espèces en voie de disparition : faut-il y compter l'homme, anéanti par ses névroses ? N'importe, le requiem est splendide : enfin un roman qui nous élargit la vie ! (Jean-Louis Ezine - Le Nouvel Observateur du 7 février 2008)
Extrait :
A reservation is a worthless piece of land surrounded by scoundrels.
General Philip Sheridan
La balle a pénétré entre deux côtes et explosé son coeur.
Teddy est mort avant que son crâne touche terre.
Le crime était parfait.
Comme rien ne pressait, Percy Gorch a ouvert une boîte de Coors et il l'a bue, assis au pied d'un cèdre rouge, les fesses au frais sur les fougères, le canon tiède de la carabine contre sa joue.
Lorsque l'écho de la détonation n'a plus été qu'un souvenir, l'activité a repris sur les pentes de Cheeka Peak, les piverts ont redoublé de vacarme, les écureuils ont recommencé à se poursuivre sur les troncs écroulés en poussant les petits cris qui lui avaient toujours fait penser à l'alarme d'un réveil à affichage numérique. Percy avait commencé à tuer des écureuils alors qu'il avait huit ans et il y en avait toujours autant, vifs comme l'éclair, qui sautaient d'un arbre à l'autre. C'était le premier animal qu'il ait jamais tué après que son père lui eut fait cadeau d'une carabine.
Lorsqu'il était revenu en tenant la petite bête par la queue, son père lui avait dit qu'il allait lui montrer comment la dépecer et préparer sa peau, les prochaines fois, il faudrait qu'il se débrouille tout seul.
Et c'est ce qu'il avait fait.
A cette époque, il était attentif, il n'avait presque pas abîmé sa fourrure, son père ne lui avait rien dit, mais il avait bien vu le résultat. Très vite ses mains avaient cessé de savoir ce qu'elles faisaient, elles travaillaient toutes seules, c'est-à-dire bien. Jeune, il s'était fait un tas d'argent avec les peaux. Quand il avait voulu s'acheter quelque chose avec les pièces qu'il rangeait dans un mouchoir caché sous une lame de plancher disjointe pour ne pas que son frère le trouve, son père lui avait conseillé d'acheter un bon couteau qui lui ferait de l'usage toute sa vie et une pierre pour tenir la lame affûtée, au lieu de la lunette de visée dont il n'aurait pas besoin avant que sa vue décline.
Et c'est ce qu'il avait fait.
Souvent, les mains dans les poches, il regardait les écureuils aller et venir en souriant bêtement. Regarder les écureuils est une fête. Une petite fête, mais une fête tout de même. De celles qui permettent de ne plus penser à rien, et il n'aimait pas penser. Il avait du mal à le faire. Il aimait regarder les animaux. Il pouvait les regarder aller et venir pendant des heures et, quelquefois, il les tuait.
Comme il avait tué Teddy.
En 1909, parce qu'il aimait chasser l'ours, mais aussi le daim, Théodore Roosevelt les avait classés espèces protégées dans les territoires du Nord-Ouest. C'est pour ça que Percy appelait tous les daims : Teddy.
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