Extrait :
STALINE OU LE GENIE DU MAL
«Lénine a improvisé l'URSS, Staline l'a maîtrisée.»
De même que l'art de Lénine avait été, en 1917, de bousculer les concepts et les catégories établis en adaptant à la guerre civile et à la révolution les méthodes de la guerre totale européenne en cours depuis 1914, de même le génie de Staline fut de saisir que révolution et restauration, loin de s'opposer, se renforcent l'une l'autre.
Quel fut l'ultime objectif politique de Staline ? Croyait-il à la révolution, à ce rêve d'une régénération du monde ? Non, ce qu'il voulait, c'était le pouvoir absolu sur la «Grande Russie». Et ce qu'il aimait hors de toute mesure, c'était dominer les hommes. Sans doute ne faut-il pas chercher une stricte rationalité dans les actes de Staline, et laisser aussi la part au hasard, à la maladresse, aux circonstances. Cependant, à l'instar des grands tragédiens, le dictateur connaissait parfaitement les règles de l'unité de temps et de lieu. Et il a joué une gigantesque partie de poker menteur avec l'Histoire, avec ses tricheurs, ses joueurs médiocres, ses artistes inspirés, car, faute de documents sur sa vie privée, sa carrière, sa manière de travailler, une quantité de légendes et de rumeurs ont circulé à son sujet. Les archives étant désormais accessibles, il est possible aujourd'hui de dresser un portrait plus précis du tyran rouge et de lever bon nombre de mystères sur son règne.
Un vieux bolchevique ! le décrivait comme «perfide, fourbe et vindicatif», mais aussi doté d'«une volonté inhabituelle, surhumaine».
Cette volonté, qui le rapprochait de son prédécesseur Lénine, explique-t-elle l'étendue inimaginable des ravages du stalinisme ? Ou la logique même du système, au contraire, permit-elle l'extraordinaire ascension de Staline ? «Une puce, grossie des milliers de fois, deviendrait l'être vivant le plus horrible et le plus dangereux qui soit», écrivit Maxime Gorki dans une évocation de Staline retrouvée après sa mort dans les papiers de l'écrivain.
Paranoïaque pour les uns, anormal selon Churchill, le dictateur rouge voulait - comme tant d'autres - assurer sa place dans l'Histoire. Mais Staline s'imposa surtout grâce à son formidable talent de manipulateur, en reprenant les codes mentaux du pays, selon la grande tradition de la Russie éternelle. Comme le fait aujourd'hui Poutine.
Revue de presse :
Comment comprendre la fascination que Joseph Djougachvili continue à exercer sur une partie des Russes ? Pourquoi s'acharnent-ils à défendre et à honorer la mémoire du minotaure qui a dévoré des millions de vies humaines ? Que signifie sa «réhabilitation», obstinée, presque obsessionnelle par Poutine ? Pour Vladimir Fédorovski, ancien diplomate et porte-parole du Mouvement des réformes démocratiques à l'époque de la perestroïka, la réponse à ces questions est contenue, tout entière, dans la vieille hantise des Slaves : la puissance. Tout doit être grand dans l'empire des glaces. Les tsars, les canons, les cloches. Et même les nains russes qui, selon un proverbe, sont les plus grands du monde. Qu'on le veuille ou non, Staline reste un symbole de cette démesure...
La dépouille mortelle du minotaure est expulsée du Mausolée de la place Rouge, mais son fantôme continuera à hanter la Russie. Comme si Staline attendait son heure. Celle de sa réhabilitation. Elle a commencé. (Irina de Chikoff - Le Figaro du 6 septembre 2007 )
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