Extrait :
Aujourd'hui, vingt octobre, Sainte-Adeline, ma fête, je frappe un grand coup : j'annonce à mon mari que j'ai décidé de changer de vie.
Attention, «changer», pas «refaire», ce mensonge que l'on s'adresse à soi-même, comme si on pouvait jeter l'ancienne par-dessus bord et recommencer à zéro. Changer, comme on change de maison à la recherche d'un climat différent, d'autres paysages à explorer, horizons à visiter, frissons et émotions à découvrir, sans pour autant renoncer définitivement à la première.
«On n'a qu'une vie», cette expression désuète, encore employée par certains, souvent, disons-le, pour s'autoriser à gâcher celle de son conjoint, n'est plus de mise à une époque où les progrès de la science nous laissent espérer aller jusqu'à cent ans. Chacun a donc la possibilité de s'en offrir plusieurs, de les additionner, de les conjuguer, d'en varier le rythme et les couleurs, alors pourquoi s'en priver ?
Bien sûr, ça va faire des vagues alentour. J'entends déjà les protestations : «Voyons, Adeline, change-t-on de vie, à trente-neuf ans, quand on a tout pour être heureuse ?» La phrase-bateau qui ne veut rien dire. Si la recette du bonheur existait, ça se saurait : son bonheur comme son malheur, chacun le tisse à sa façon depuis son premier «oui», son premier «non», sourire ou rage avec. Et, à part l'amour indispensable au bien-être, être bien dans sa peau comme dans son âme, l'amour sous toutes ses formes, convoité par tous, à commencer par ceux qui crient qu'ils en ont soupe, qu'on ne les y prendra plus, chaque tissage est différent.
De quoi mon bonheur présent est-il fait ? Car je reconnais que, sans «avoir tout», je peux me dire une femme heureuse.
Il y a d'abord Hugo, mon beau et tendre mari, juge de son état, parfois exaspérant de sollicitude et de compréhension, mais que j'aime pour cette même raison.
Il y a nos trois enfants : Adèle, seize ans, blonde aux yeux parme, insolemment jolie, prête à danser sur tous les ponts du monde avec les nombreux chenapans qui lui tournent autour, quitte à tomber dans l'eau agitée du fleuve «existence» ; cette année, bac de français. Puis Elsa et Eugène, onze ans, jumeaux «dizygotes», faux à souhait, n'ayant en commun qu'une myopie qui les condamne à porter de ravissantes lunettes de toutes les couleurs. Elsa, née la seconde, donc l'aînée, petit modèle châtain, yeux assortis, bouille ronde, qui, à force de loucher sur Adèle, s'est persuadée qu'elle ne plairait jamais à personne et le clame haut et fort en se gavant de sucreries et en affichant le résultat sous des tee-shirts XXL, noirs comme son humeur ; elle redouble le CM2. Enfin, Eugène, issu du «bon ovule» selon sa jumelle, grand, fin, cheveux clairs et yeux mauves, et qui, honte suprême, vient d'entrer en sixième, la laissant en rade. Eugène, roi de la fouine, surnommé «le Saint», en référence à Simon Templar, le fameux détective anglais interprété par Roger Moore avant que l'acteur - auquel il se compare volontiers - revête la combinaison de James Bond.
Présentation de l'éditeur :
Qu’arrive-t-il à Adeline ? À trente-neuf ans, voici qu’elle abandonne une brillante carrière pour « rentrer à la maison », devenir femme au foyer. C’est qu’elle n’a jamais pris le temps de profiter d’un mari tendre et aimant, de voir grandir Adèle, Eugène, Elsa, ses trois craquants ados ; alors elle a décidé de s’offrir une pause pour mieux les suivre, les connaître, les aimer. Mais c’est l’aventure qui l’attend avec la rencontre de Mathis, talentueux musicien, avec lequel elle réalisera un rêve d’enfant qu’elle croyait perdu. Et si cette « vie en plus » recelait un piège pour les siens, de l’amour en moins ? Attention, Adeline, danger !
Un roman aussi gourmand que porteur des plus beaux espoirs. David Lelait-Helo, Nous Deux.
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