Extrait :
C'est un trop-plein de silence qui arracha Sarah à son sommeil de plomb. Elle ouvrit les yeux sur le clignotement rouge de son réveil à affichage numérique : 16 h 32.
Des jappements de petits chiens résonnèrent dans un jardin au bas de la colline, ricochant avec insistance sur le plafond et les parois de la chambre tout en courbes.
Plus un bruit. Par habitude, quand elle était chez elle, elle laissait toujours allumé le transistor de la cuisine. Sur Radio 4, dont les roucoulades des conversations enlevaient au vide un peu de son mordant : lorsqu'elle les entendait d'une autre pièce, elles créaient l'illusion d'une maison pleine de gens charmants du Hampshire en train de papoter. À Glasgow, des cambrioleurs auraient trouvé la chose incongrue, mais à Thorntonhall, village cossu, c'était tout à fait plausible. Sarah laissait également à dessein des lampes allumées à des emplacements stratégiques, hall d'entrée ou escaliers, tous endroits inaccessibles aux regards trop curieux. Elle avait un talent certain pour le faux-semblant.
Plus un bruit. Ce n'était pas l'heure des cambrioleurs. La maison était située en haut de la colline, bien visible en plein jour, en particulier à cette période de l'année où ses voisins étaient de sortie sur leur propriété, occupés à critiquer le travail des jardiniers ou à harceler leurs chiens de race trop gras. Entrer par effraction à un tel moment exigerait d'un voleur éventuel une belle confiance en ses propres capacités ou une très grande stupidité.
Épuisée, elle ne voulait qu'une chose, se rendormir, aussi envisagea-t-elle une explication banale : un fusible avait sauté dans la cuisine, ou alors sa vieille radio avait fini par rendre l'âme. La maison ne datait pas d'hier, et tout ce qu'elle contenait aurait mérité d'être remis à neuf.
Elle décida donc que sa radio était morte, sourit et ferma les yeux en se nichant en chien de fusil dans les plis de la couette, presque contente de s'être réveillée pour sombrer à nouveau dans les délices du sommeil.
Son esprit se laissa doucement glisser dans la chaleur du noir.
Soudain, un craquement de lame de parquet, au bas de l'escalier. Elle rouvrit les yeux instantanément.
Releva la tête de l'oreiller, pour mieux entendre.
Un crissement de chaussure sur la moquette, amplifié par la cage d'escalier, suivi par un commandement chuchoté. Deux mots. Une voix aiguë. Une voix de femme :
- Vas-y.
Revue de presse :
Glasgow minutieusement écossé par Denise Mina et son enquêtrice indocile...
Il y a du punk chez Denise Mina, dont le podium littéraire rassemble «Boulgakov, Orwell et Patricia Highsmith». Un côté «fuck off» électrisant, tempéré par l'humour et un goût pour l'observation. Le livre y trouve son rythme, entre accélérations, coups de frein, point mort, qui permet au lecteur de tenir...
Morrow, face au fou rire nerveux qui gagne ses troupes confrontées au cadavre : «On croirait que vous n'avez jamais vu de pudding.» Un sens de la punchline qui s'applique aussi à l'anecdotique. «Elle le trouvait trop beige, même pour un policier.» (Sabrina Champenois - Libération du 14 février 2013)
Prolos contraints de jongler avec les petits boulots, flics désabusés par une hiérarchie inepte, financiers véreux... Refusant tout sensationnalisme, l'auteur de La Fin de la saison des guêpes passe habilement d'un monde à un autre, aux tours crasseuses de la banlieue de Glasgow à une pension pour fils à papa, avec le même souci du détail, la même précision pour mettre à nu les émotions. Une sensibilité qui rend les piqûres de guêpe plus douloureuses. Ce roman de Denise Mina a reçu, outre-Manche, le prestigieux prix du roman policier Theakstons Old Peculier 2012, battant John Connolly, Christopher Brookmyre and S.J. Watson, également en lice. (Guillaume Fraissard - Le Monde du 28 février 2013)
La romancière écossaise signe un polar électrique, mêlant féminisme et lutte des classes, dont l'héroïne est de nouveau l'inspectrice Alex Morrow...
Admiratrice de Dickens et Boulgakov, l'Ecossaise jongle entre les strates sociales, des immeubles décrépits de Glasgow aux riches pensions pour fils à papa, dénudant la violence des rapports humains, la colère qui gronde dans les bas-fonds du pays. Le tout saupoudré d'un féminisme rafraîchissant, dopé par son héroïne au gros ventre, prête à bousculer les travers machos de son équipe. Sans rebondissements téléphonés, ni cliffhangers artificiels, Denise Mina signe ainsi un roman piquant et remarquablement maîtrisé sur la genèse du mal, la naissance d'un meurtrier. (Julien Bisson - Lire, avril 2013)
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