Revue de presse :
Vu d'Europe, le changement climatique est une menace abstraite. C'est quelque chose qui va arriver. Ici, ça arrive ", écrit Julien Blanc-Gras. Ici, c'est aux Kiribati, archipel océanien constitué de trente-deux atolls, traversé par l'Equateur, " dépourvu de cinéma, d'ascenseur ou de caméras de surveillance ", qui compte 110 000 habitants et se trouve menacé d'engloutissement...
Julien Blanc-Gras s'est rendu aux Kiribati et son Paradis (avant liquidation) n'est pas publié pour rien au Diable Vauvert. C'est un récit passionnant, entre le gonzo-reportage et Nicolas Bouvier. Peut-être pas le grand style de L'Usage du monde, mais un texte toujours surprenant, qui nous apprend dix choses par page sans jamais tourner à la conférence Connaissance du monde et nous informe, toutes sirènes hurlantes, sans nous donner de leçon. Julien Blanc-Gras joue un peu au béotien, parce qu'il vaut mieux arriver avec un sac vide si l'on veut pouvoir rapporter beaucoup de choses, et débarque à Tawara, l'île capitale, comme le Sirien de Voltaire, Micromégas, sur la Terre. (Eric Chevillard - Le Monde du 23 mai 2013)
L'hilarant auteur de «Touriste» avait une question en tête : «Comment vit-on en attendant une fin du monde programmée ?» A l'atterrissage, il a cru au paradis en voyant «le turquoise irréel du lagon». Il a vite compris que ce paradis-là cachait un enfer. Un quinquagénaire au torse nu lui a indiqué «un petit banc de sable nu», qui était dans sa jeunesse «une île verdoyante où on allait pique-niquer le week-end à l'ombre des arbres»...
Mais pas question de sortir les violons. La décontraction est le secret de ce styliste ambulant de 36 ans. Même dans la tragédie il sait rigoler sans condescendance. Avec lui, on rencontre des dizaines de personnages souvent impuissants, parfois incapables, toujours pleins d'humanité. C'est Nicolas Bouvier en short de bain, qui aurait lu Desproges. Irrésistible. (Grégoire Leménager - Le Nouvel Observateur du 20 juin 2013)
Ingénu, observateur, empathique, Julien Blanc-Gras décrit à la fois un pays sous-développé et un paradis en sursis. Tandis que le journaliste délivre des informations précises, édifiantes, jamais indigestes, l'écrivain voyageur nous entraîne dans une suite de péripéties qu'il aborde avec autant de finesse que d'humour. "Aux Kiribati, nous sommes des gens simples avec des besoins simples. C'est le monde autour de nous qui est compliqué", résume un autochtone. Tout est, bel et bien, dit. (Delphine Peras - L'Express, juin 2013)
Rien de très joyeux, certes, mais l'auteur, dont on avait déjà apprécié "Touriste", décrit cet effrayant gâchis avec la saine distance de son humour, la précision de ses informations, lancées comme des flèches, et la sincérité de ses portraits. Il n'est pas question ici de bonne conscience ou de hauts cris, mais du partage, en une succession rythmée de choses vues, entendues, ressenties, d'une rencontre avec des frères humains sacrément dans le pétrin. (Valérie Marin La Meslée - Le Point du 27 juin 2013)
Extrait :
Le bout du monde se cache plus loin que prévu. On m'avait appris que les antipodes se trouvaient aux alentours de la Nouvelle-Zélande et comme c'est exact, je m'étais empressé d'y croire. Arrivé à Auckland, j'ai tout de même dû emprunter deux avions supplémentaires avant d'apercevoir ma destination. Il faut croire que la géographie est une science mouvante.
Il est 6 heures du matin derrière ce hublot, j'émerge devant un champ de nuages toisant le Pacifique. Mon regard hésite à se poser, tiraillé par trop de splendeurs concurrentes. En face, il se fixe sur les ribambelles cotonneuses tendues vers l'horizon. Vers le bas, il guette l'apparition des atolls ponctuant la monotonie de l'océan.
- Tu vois les montagnes ?
Je fronce les sourcils, je ne suis pas assez réveillé pour saisir les subtilités de l'humour océanien. Mon voisin éclate de rire, se présente et me tend la main. Le steward, lui, me tend une bière. Il est un peu tôt pour s'imbiber. Nabby n'a pas ces scrupules et s'empare de la canette. Il a de bonnes raisons de fêter son retour aux Kiribati. C'est un marin qui passe sa vie à l'écart de ses latitudes d'origine ; il n'a pas vu son épouse et son fils depuis onze mois.
Nous descendons vers Tarawa, l'île capitale, un des trente-trois confettis qui composent cette nation éparpillée dans l'immensité. Curieuse capitale, qui s'étire sur une trentaine de kilomètres pour quelques hectomètres de large. Une étroite bande corallienne dépourvue de relief et assaillie par le mouvement perpétuel des vagues. Vue du ciel, sa fragilité saute aux yeux. C'est un grain de sable dans l'océan, une touche de vert égarée dans le bleu. Un minuscule éclat d'Éden cerné par l'infini.
- C'est vrai, ces histoires de montée du niveau de la mer ?
- Je reviens chaque année. Et chaque année, l'eau s'est rapprochée de ma maison.
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