Extrait :
PRÉLUDE AU DÉPART
La clé des champs
Allons, chapeau, capote, les deux poings dans les poches et sortons.
ARTHUR RIMBAUD
«Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous», disait Paul Éluard. Et la vie m'a offert un bien beau rendez-vous !
En août 2012, sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne, quelques kilomètres avant la ville de Melide, une rencontre «hasardeuse» avec un pèlerin japonais devait me conduire à parcourir l'été suivant en solitaire, sac au dos, les 1 200 kilomètres du pèlerinage de Shikoku, sur les pas d'un certain Kûkai dont l'existence même m'était alors absolument inconnue. D'un chemin à un autre, d'un continent à un autre, il n'y a parfois qu'un embranchement au détour d'une discussion fructueuse joyeusement partagée au rythme de la marche. Celle de ce jour-là allait m'amener à la découverte d'un chemin de pèlerinage bouddhiste faisant le tour de la plus petite des quatre grandes îles de l'archipel japonais, du nom de Shikoku. Ce que m'en fit alors partager mon furtif compagnon de marche (que ce «passeur» soit ici vivement remercié !) éveilla tout mon intérêt et je me promis, dès mon retour en terres parisiennes, d'approfondir le sujet.
Après avoir parcouru à pied les 1 600 kilomètres du chemin de Compostelle reliant Le Puy-en-Velay au cap Finisterre - ce cap de Galice prolongeant le chemin jusqu'à «la fin des terres», au bord de l'Atlantique - et être revenue en France en bateau, le chemin après le chemin ne fut pas chose aisée. Les retours de voyage ont toujours eu pour moi un goût amer. À peine rentrée, il me fallait rêver, une mappemonde sous mes yeux avides, et m'enivrer avec zèle de récits d'ailleurs et de noms enchanteurs. En prise avec la lassitude d'un corps engourdi, emmuré dans une réalité sédentaire, à l'étroit dans un quotidien exigu, dans un ensommeillement désaccordé par rapport à la délicieuse plénitude de l'instant tant savourée sur le chemin de Compostelle, l'appel de la lointaine Shikoku refit surface avec une force impérieuse. Une attraction aussi irrésistible qu'irrationnelle jaillit des profondeurs de mon être, comme une injonction intime. Devant l'écran de mon ordinateur, une certitude intérieure s'imposa majestueusement : l'été prochain, j'irai à Shikoku !
L'appel à cheminer sur un nouveau terrain était lancé. Une fantastique aventure au pays du Soleil levant et, bien plus loin encore, m'attendait. Et c'est ainsi que, le 30 juin 2013, je pris mon départ pour cette épopée, dans une «attitude de réceptivité» telle que Pierre Rabhi l'a si joliment définie, prête à «accueillir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation». Telle une devise sur la bannière de mon coeur, un mantra dans les profondeurs de mon être. Si je ne partais pas en quête de sens à l'image des chevaliers de la Table ronde à la recherche du Graal, un sens s'est pourtant bien imposé de lui-même au long de cette réalité vécue.
«La vie vous procure exactement l'expérience dont vous avez le plus besoin pour que votre conscience évolue.» Ces paroles d'Eckhart Toile prennent ici tout leur sens. Comme si un faisceau de signes convergeant en un même endroit m'invitait à m/abandonner avec délice sur ce chemin, à y user mes semelles en même temps qu'à y voir naître en moi un surcroît de conscience, une présence densifiée et une nouvelle manière d'être au monde.
(...)
Un mot de l'auteur :
À vous, chers amis lecteurs, belle aventure sur ces chemins du bout du monde et beau voyage en terre intérieure ! Bienvenue dans cette ronde, dans ce concentré de vie qui s'animera soudain entre vos mains si vous ouvrez ce livre ! Vous y verrez jaillir une multitude de visages, d'émouvantes rencontres fraternelles, un kaléidoscope de couleurs éclatantes, des gouttes de rosée au réveil de l'aube, le chatoiement irisé du monde. Vous entendrez surgir les prières d'une humanité tournée vers le Ciel. Vous saisirez des grondements d'orage. Vous sentirez des effluves d'encens et de tatamis, des parfums d'aventure, des émotions écrites au fil des jours. Vous tutoierez un temps épaissi et densifié, l'infime comme puissant réservoir de bonheur. Vous serez emportés par le rythme incantatoire des milliers de pas effectués. Vous goûterez sur votre peau les assauts acérés du soleil mordant d'un été de braise. Vous vous délecterez d'une profusion de saveurs. Vous percevrez des douleurs, des doutes, des émerveillements, des instants de grâce, des parcelles de joie simple qui ont émaillé l'égrènement de ces heures...
Ici, là-bas, ailleurs, je vous souhaite de tout coeur un beau chemin, porté par l'élan de l'enthousiasme et la joie d'être vivant !
Marie-Edith Laval
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.