Extrait :
Ouverture
Vous me demandez si j'aime l'opéra ? À moi qui y ai voué ma vie ! À moi qui écume toutes les salles lyriques du monde à la recherche de la voix à découvrir, de l'interprétation ou de la mise en scène qui changera mon regard sur tel ou tel chef-d'oeuvre ou opéra méconnu ! À moi qui ai modifié des jours de réunion professionnelle pour ne pas manquer le passage de tel ou telle chanteur ou chanteuse ! A moi qui ai sacrifié des vacances pour ne pas manquer une création ! À moi qui ai englouti des économies pour trouver l'enregistrement qui me révélerait celui-ci ou me procurerait les bonheurs attendus de celle-là ! A moi qui ai parcouru des milliers de kilomètres et obtenu des renseignements confidentiels pour traquer ces enregistrements «pirates» qui, dans les années 1970-80 encore, nous donnaient l'impression d'être des clandestins engagés dans une aventure dont dépendait notre survie («As-tu écouté le Nabucco de Callas à Mexico en 49 ?», «Sais-tu comment trouver le Windgassen de Bayreuth en 56 ?») ! À moi qui ai durant toute ma vie, à la radio comme à la télévision, dans des articles ou dans des livres, dans des conférences et auprès de tous mes amis, voulu inciter, convaincre, «évangéliser» pour que tous découvrent ce bonheur de l'opéra... ! Alors vous me demandez si j'aime l'opéra ? Bien sûr que oui ! Et non pas un peu, non pas beaucoup, mais à la folie ! Depuis des années, des décennies, on me dit : «Tu vas bien finir par te lasser», ou «C'est toujours la même chose», ou «Comment fais-tu pour t'intéresser à... ?» - et depuis des années je ne me lasse pas, je suis sans cesse surpris et je suis toujours passionné et ému par les émois de Roméo, les langueurs d'Isolde, le désespoir de Rigoletto. Est-ce à dire que je suis monomaniaque ? Non. Mais amoureux, assurément. C'est cet amour que je veux raconter ici, dans ce dictionnaire qui n'est que l'annuaire de mes passions. Bien évidemment - c'est la règle de cette collection originale - je ne prétends pas à l'exhaustivité (il y a d'autres ouvrages pour cela), j'affirme même délibérément ma totale subjectivité et mon absolue indifférence aux modes, aux «obligations» et autres fourches Caudines d'un lyriquement correct. C'est donc pourquoi tel ouvrage ou tel artiste qui n'est pas cité dans ce dictionnaire amoureux et que vous pourriez croire oublié ne l'est pas : c'est un choix, c'est mon choix. Si je décrivais mes amours, je ne décrirais pas toutes les femmes que j'ai rencontrées, mais seulement celles qui m'ont fait vibrer, celles qui m'ont transformé, celles que j'ai aimées. C'est la même loi qui a présidé pour moi à l'écriture de ce dictionnaire - et c'est pourquoi, parfois, ce ne sera pas un opéra entier qui requerra ici une entrée, mais un air, un moment, une flexion du temps en musique, comme un geste inoubliable. C'est pourquoi aussi il y aura des échos, des thèmes, des figures, des leitmotive qui se retrouveront dans cette partition de mes amours lyriques. L'opéra est pour moi une passion multiple : j'en aime les lieux, les oeuvres, les acteurs (dans tous les sens du terme). Et je ne connais rien de plus émouvant qu'une femme qui se met à nu en chantant, sa voix montrant l'intérieur de son corps, comme un gant retourné, je ne connais rien de plus touchant qu'un homme qui exprime son âme en chantant, baissant toutes ses gardes. C'est pour ces moments uniques et éternels, pour les décrire, les murmurer, les faire entendre à tous ceux qui le liront, que j'ai voulu écrire ce dictionnaire d'amour.
(...)
Présentation de l'éditeur :
Dans ce dictionnaire éperdument amoureux, d’Alagna à Wagner, Alain Duault, en musicologue averti et fervent, compose une partition personnelle et subjective de l’univers magique de l’opéra. Magique, car l’opéra raconte des histoires qui nous parlent de nous-mêmes, de ces rêves qui nous hantent à travers des images, des symboles, des gestes qui peuvent répondre à l’inquiétude essentielle dont nous sommes faits. Du monde enchanté de l’enfance au quotidien idéalisé de l’adolescence, pour finir sur l’univers mouvementé et chaotique des adultes, l’opéra nous tend un miroir ; en cela, l’opéra ne sert peut-être à rien, mais il nous aide à vivre. Dans ce dictionnaire, l’auteur nous parle des opéras mythiques (Carmen, Cosi fan tutte, Don Giovanni, La flûte enchantée, La Traviata, etc.), des plus belles salles du monde (La Scala de Milan, Le Covent Garden de Londres, le Met de New-York, le théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg...), dresse le portrait des grands compositeurs (Monteverdi, Purcell, Haendel, Mozart, Rossini, Verdi...) et puis, encore et surtout, nous raconte tout ce qui concourt à la magie du spectacle : les voix, les décors, les costumes, les livrets et bien évidemment la mise en scène.
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