Les gars du peloton m'appelaient Robocop. J'ai fait partie du bataillon Acahuapa, des troupes d'assaut, mais, la guerre finie, on m'a démobilisé. Alors je me suis retrouvé comme l'oiseau sur la branche : à moi je n'avais que deux fusils AK-47, un M-16, une douzaine de chargeurs, huit grenades à fragmentation, mon pistolet neuf millimètres et un chèque équivalent à trois mois de mon salaire, qu'on m'a donné comme indemnité.
Je suis arrivé au grade de sergent grâce à mes qualités ; mon école a été la guerre. Les instructeurs américains m'ont apprécié : ils m'ont envoyé une fois au Panama, suivre un cours intensif d'un mois ; une autre fois je suis allé à Fort Benning pendant deux mois, suivre un entraînement destiné aux gradés et aux sous-officiers. Mais quand le temps de la démobilisation est arrivé, quand nos chefs et les terroristes se sont mis d'accord, on m'a jeté à la rue. Pas de la même manière pourtant que le reste des hommes, à qui on n'a même pas dit merci. Nous, nous formions le corps d'élite, c'était nous qui étions les plus craints, qui avions stoppé et fait reculer les terroristes partout où nous les avions affrontés. Voilà pourquoi la démobilisation de notre bataillon a été un événement solennel qui a eu lieu en présence du président de la République, du ministre de la Défense et d'autres hautes autorités ; il y a eu un défilé, un passage en revue des troupes, des tirs d'artillerie et des discours où l'on reconnaissait notre intrépidité, le courage dont nous avions fait preuve pour la défense de la patrie, ce que nous signifiions pour les forces armées.
Les gars du peloton m'appelaient Robocop, mais dans mon dos. Devant moi ils devaient se mettre au garde-à-vous et me dire «sergent», et pas uniquement parce que c'était moi le chef, mais parce que aucun d'entre eux, que ce soit à poings nus, à l'arme blanche ou à l'arme à feu, n'avait jamais pu me battre ; et qu'aucun d'entre eux ne m'avait été supérieur en tactique et en intelligence. C'est pourquoi c'était moi qui donnais les ordres, même si au-dessus de moi il y a toujours eu un lieutenant, un capitaine ou un major commandant la compagnie - en réalité plusieurs lieutenants, capitaines et majors qui sont morts ou ont été mutés tout le long de la guerre.
J'ai été avantagé. Je ne suis pas un paysan mal dégrossi, comme la majeure partie de la troupe : je suis né à Llopango, un quartier pauvre, mais dans la capitale; et je suis allé à l'école jusqu'en troisième. Je suis remarquable pour autre chose que ma taille et ma corpulence. J'ai participé aux principales batailles contre les unités les mieux entraînées des terroristes; aux opérations spéciales les plus délicates, celles qui impliquaient de s'enfoncer jusqu'aux profondeurs de l'arrière-garde ennemie. Je n'ai jamais été capturé ou blessé. Beaucoup d'hommes sous mes ordres sont morts, mais ça fait partie de la guerre - les faibles ne survivent pas.
Surnom : Robocop. Etats de service : sergent dans le corps d'élite du bataillon Acahuapa. Démobilisé à la fin de la guerre civile qui a terrorisé le Salvador pendant huit ans, Juan Alberto Garcia, ancien d'un escadron de la mort, souffre de son retour à la vie civile. Lui qui ne connaît d'autre métier que celui de tueur a bien du mal à se satisfaire du trafic de voitures. Pour renouer avec sa seule façon d'exister, il va devenir l'homme de main de gros bonnets qui donnaient hier la chasse aux terroristes et qui se disputent désormais les territoires de la drogue. Froide et haletante confession d'un homme sans âme pris dans l'engrenage d'un système corrompu, avec L'Homme en arme, Horacio Castellanos Moya dépeint sans pitié les convulsions d'une société pourrie par la guerre.
Horacio Castellanos Moya est né au Honduras en 1957, mais a vécu la majeure partie de sa vie au Salvador. Grand voyageur et journaliste, il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Le Dégoût, La Mort d'Olga Maria, L'Homme en arme, Déraison et Le Bal des vipères (éditions Les Allusifs, 2007). Horacio Castellanos Moya vit aujourd'hui aux États-Unis.
«Castellanos Moya est un prince de la distanciation. Il épouse la conscience de ses créatures ; leur parole, lue à plat, révèle en creux leur inconscience et l'horrible grimace du monde. On rit froid.»
Philippe Lançon, Libération
Traduit de l'espagnol par Robert Amutio
"Domaine étranger" dirigé par Jean-Claude Zylberstein
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