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306pages. poche. Poche.
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Extrait :
Dîner et monogamie
Quand j'appris que Conrad, mon compagnon depuis huit ans, voyait quelqu'un d'autre en cachette, je n'en fus pas totalement surpris. Un ou deux ans auparavant, j'avais noté que le terme «monogamie» avait disparu de notre vocabulaire, et je m'étais dit qu'il avait autant de raisons que moi de ne plus l'utiliser. Dans la plupart des couples, passé un certain temps, la discrétion devient la vertu suprême, supplantant la fidélité, même si on se refuse le plus souvent à l'admettre.
La disparition lente et silencieuse de la monogamie dans notre vie me rappelait un plat de poulet à l'étouffée particulièrement goûteux que nous avions autrefois l'habitude de préparer. Un poulet au cumin et aux citrons confits agrémenté d'herbes aromatiques que j'avais trouvées dans une épicerie libanaise. L'appartement se remplissait d'une odeur à la fois exotique et familière, et la bête sortait du four toute luisante, l'air appétissant et vaguement pornographique. Nous adorions ce plat, Conrad et moi ; au bout de trois ou quatre ans de cohabitation, il faisait partie des rares choses sur lesquelles nous nous entendions à merveille, et nous le préparions une ou deux fois par mois, chacun à notre tour. Je tirais beaucoup de plaisir et de réconfort à échanger à table des propos anodins sur les plaisirs simples du repas, comme si nous étions un vieux couple marié depuis des lustres, légèrement englué dans la routine. Puis, un jour, en fouillant les placards de la cuisine, je suis tombé sur le cumin, et je me suis rendu compte que nous n'avions pas préparé de poulet aux épices depuis plus d'un an, sans que l'on en ait discuté, ou consciemment décidé de l'éliminer de la liste. Nous nous étions sans doute lassés tous les deux des saveurs exceptionnelles du plat. Ce sont des choses qui arrivent.
Si nous avions cessé d'utiliser le terme «monogamie» de façon significative, nous n'avions pas pour autant renoncé aux petits mots de tendresse et d'affection. Nous n'avions pas cessé de dire «Je t'aime» à la fin d'un coup de fil longue distance, ou lorsque l'un de nous, à moitié endormi, voulait faire signe à l'autre d'éteindre. C'était quand même ce qui comptait, non ?
Le métier de Conrad l'obligeait à de fréquents déplacements et, lorsque les affaires étaient florissantes, il s'absentait parfois dix jours ou plus. Comment m'étonner qu'il ait cherché un figurant pour s'amuser un peu ? Les distractions sont rares dans une chambre d'hôtel, et Conrad n'avait jamais été un grand fan de CNN.
Revue de presse :
Quand j'appris que Conrad, mon compagnon depuis huit ans, voyait quelqu'un d'autre en cachette, je n'en fus pas totalement surpris. Un ou deux ans auparavant, j'avais noté que le terme «monogamie» avait disparu de notre vocabulaire, et je m'étais dit qu'il avait autant de raisons que moi de ne plus l'utiliser. Dans la plupart des couples, passé un certain temps, la discrétion devient la vertu suprême, supplantant la fidélité, même si on se refuse le plus souvent à l'admettre.
La disparition lente et silencieuse de la monogamie dans notre vie me rappelait un plat de poulet à l'étouffée particulièrement goûteux que nous avions autrefois l'habitude de préparer. Un poulet au cumin et aux citrons confits agrémenté d'herbes aromatiques que j'avais trouvées dans une épicerie libanaise. L'appartement se remplissait d'une odeur à la fois exotique et familière, et la bête sortait du four toute luisante, l'air appétissant et vaguement pornographique. Nous adorions ce plat, Conrad et moi ; au bout de trois ou quatre ans de cohabitation, il faisait partie des rares choses sur lesquelles nous nous entendions à merveille, et nous le préparions une ou deux fois par mois, chacun à notre tour. Je tirais beaucoup de plaisir et de réconfort à échanger à table des propos anodins sur les plaisirs simples du repas, comme si nous étions un vieux couple marié depuis des lustres, légèrement englué dans la routine. Puis, un jour, en fouillant les placards de la cuisine, je suis tombé sur le cumin, et je me suis rendu compte que nous n'avions pas préparé de poulet aux épices depuis plus d'un an, sans que l'on en ait discuté, ou consciemment décidé de l'éliminer de la liste. Nous nous étions sans doute lassés tous les deux des saveurs exceptionnelles du plat. Ce sont des choses qui arrivent.
Si nous avions cessé d'utiliser le terme «monogamie» de façon significative, nous n'avions pas pour autant renoncé aux petits mots de tendresse et d'affection. Nous n'avions pas cessé de dire «Je t'aime» à la fin d'un coup de fil longue distance, ou lorsque l'un de nous, à moitié endormi, voulait faire signe à l'autre d'éteindre. C'était quand même ce qui comptait, non ?
Le métier de Conrad l'obligeait à de fréquents déplacements et, lorsque les affaires étaient florissantes, il s'absentait parfois dix jours ou plus. Comment m'étonner qu'il ait cherché un figurant pour s'amuser un peu ? Les distractions sont rares dans une chambre d'hôtel, et Conrad n'avait jamais été un grand fan de CNN.
Banal vaudeville gay ? Il y aurait de cela, ne serait la tendre et pétillante empathie que McCauley manifeste à l'endroit de ce petit monde dont il suit, non sans gravité parfois, les hésitations, les inquiétudes, les tiraillements. Cela tout au long d'un hiver spécialement glacial de la fin de l'ère Bush - climat dont la mélancolie s'accorde aux humeurs douces-amères de Richard, Conrad, Benjamin et les autres... (Nathalie Crom - Télérama du 17 novembre 2010 )
Stephen McCauley décrit la vie de couples d'hommes, parfois d'hommes et de femmes, dans un milieu bourgeois bohème, qui va du monde éditorial à celui de la télévision, en passant par les universités et les galeries d'art...
Mais ce qui est ici surtout étonnant et nouveau pour les lecteurs de Stephen McCauley, c'est une certaine tristesse désabusée. L'intégration des couples gay dans la nouvelle Amérique, la disparition des hypocrisies sexuelles et d'un puritanisme menteur, ont pour conséquence paradoxale la résurgence d'autres schémas sociaux : la trahison conjugale, la terreur de la vieillesse, le besoin de séduire, le goût de la duplicité, l'ennui du confort auquel pourtant nul ne veut renoncer et une nouvelle forme de mensonge. En laissant réapparaître ces éléments, Stephen McCauley se moque de l'inévitable réapparition de la faiblesse humaine. Il le fait avec drôlerie, désenchantement, finesse. (René de Ceccatty - Le Monde du 25 novembre 2010 )
Stephen McCauley décrit la vie de couples d'hommes, parfois d'hommes et de femmes, dans un milieu bourgeois bohème, qui va du monde éditorial à celui de la télévision, en passant par les universités et les galeries d'art...
Mais ce qui est ici surtout étonnant et nouveau pour les lecteurs de Stephen McCauley, c'est une certaine tristesse désabusée. L'intégration des couples gay dans la nouvelle Amérique, la disparition des hypocrisies sexuelles et d'un puritanisme menteur, ont pour conséquence paradoxale la résurgence d'autres schémas sociaux : la trahison conjugale, la terreur de la vieillesse, le besoin de séduire, le goût de la duplicité, l'ennui du confort auquel pourtant nul ne veut renoncer et une nouvelle forme de mensonge. En laissant réapparaître ces éléments, Stephen McCauley se moque de l'inévitable réapparition de la faiblesse humaine. Il le fait avec drôlerie, désenchantement, finesse. (René de Ceccatty - Le Monde du 25 novembre 2010 )
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- Éditeur10 X 18
- Date d'édition2012
- ISBN 10 2264053984
- ISBN 13 9782264053985
- ReliurePoche
- Nombre de pages312
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l'autre homme de ma vie [FRENCH LANGUAGE - Soft Cover ]
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10/18
(2012)
ISBN 10 : 2264053984
ISBN 13 : 9782264053985
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