Revue de presse :
«La gifle» est un grand roman contemporain sur le déclin de l'empire occidental, sur la dégénérescence d'une civilisation - la nôtre - qui, malgré déboires et défaites, donne des leçons au monde entier. L'Australie est ici une sorte de concentré d'un mode de pensée américano-européen décadent, elle est le creuset d'un melting-pot qui, sous le microscope sans concession de Christos Tsiolkas, représente les exacerbations d'un monde qui s'en va vers le pire et dont nous ne savons pas comment oblitérer la funeste trajectoire : racisme à tous les étages, tensions sur les origines de ses concitoyens, l'argent-roi, les enfants-rois, le sexe-roi, la drogue-reine, la suprématie blanche sur le reste de l'humanité, l'éducation de la jeunesse par la télévision, loisirs alimentés par la violence des jeux vidéo... (Yves Simon - Paris-Match du 23 janvier 2010)
Le talent de Christos Tsiolkas réside dans le fait d'avoir réussi un roman à la fois captivant et intelligent. C'est bien fait, bien pensé. On ne le lâche pas parce que l'histoire pose mille jalons et mille questions. Garçon homosexuel, couples en crise, femme sans enfant, mère obsessionnelle, homme dépressif. L'auteur s'interroge sur la transmission (l'héritage) et la prospection (l'avenir). Il faut muter - et ça peut être tolérer, pardonner, quitter, aimer, attaqu...
Christos Tsiolkas montre sans démontrer. Il est le romancier non pas des coeurs mais des corps. Des plaies...
La Gifle place la réalité sociale du XXIe siècle sous un éclairage cru. La société multiculturelle est notre avenir. Elle reste à construire, à consolider. Amour et haine. Les corps s'y meuvent et les coeurs s'y meurent. (Marie-Laure Delorme - Le Journal du Dimanche du 30 janvier 2011)
À l'origine du somptueux roman de Christos Tsiolkas, il y a cette Australie de carte postale où posent le parfait couple mixte, la famille grecque et indienne, les collègues de souche anglo-saxonne, et même l'ami aborigène. C'est un barbecue de banlieue résidentielle, une image d'Épinal ou d'Éden multiculturel dont le vernis n'a pas le temps de se craqueler qu'un angelot de 3 ans se prend une paire de claques. Punition méritée ou crime de lèse-majesté ? Question de point de vue. De la femme cougar au jeune gay, en passant par le vieillard misogyne, huit témoins se succèdent et constatent les contrecoups de l'incident. Une gifle aux allures de pomme de discorde qui révèle soudain les tensions sociales, raciales et morales que leur petite communauté s'efforçait de dissimuler. Une gifle qui les conduit à mettre leurs convictions, leur carrière ou leur(s) couple(s) en question. (Augustin Trapenard - le Magazine Littéraire, mars 2011)
Une réputation de mauvais garçon. Une plume qui ne s'encombre pas de bonnes manières. Né en 1965 à Melbourne, fils d'immigrés grecs, Christos Tsiolkas débarque en France avec cette Gifle qui, en Australie, a mis K.-O. 100 000 lecteurs. Ce qu'ils y ont découvert, c'est un tableau très sombre de leur propre société, un melting-pot que le romancier fait exploser comme une grenade...
Alcool, drogue, vulgarité effroyable, frustrations familiales, homophobie, conflits interethniques, racisme, c'est à une diatribe impitoyable que se livre Tsiolkas, en maniant sarcasmes et dérision comme autant de boomerangs. Une sacrée gifle, entre Les Corrections, de Jonathan Franzen, et Trainspotting, d'Irvine Welsh. (André Clavel - L'Express, février 2011)
Extrait :
HECTOR
LES YEUX FERMÉS, HECTOR ESSAYAIT DE RETENIR CE RÊVE qui lui échappait pour de bon. Il tendit le bras vers l'autre côté du lit. Aisha s'était levée. Tant mieux. Il lâcha un pet en enfonçant la tête dans l'oreiller pour ne pas sentir ses effluves moites et nauséabonds. «Je n'ai pas l'habitude de dormir dans un vestiaire de garçons», se plaignait sa femme les rares fois où il s'oubliait en sa présence. Hector avait appris à se retenir au fil des ans, à ne se laisser aller que dans la solitude. Il pétait et pissait sous la douche, rotait seul en voiture, s'abstenait de se laver ou de se brosser les dents lorsque Aisha partait le week-end donner des conférences. Sans être une sainte nitouche, elle ne supportait pas les exhalaisons du corps masculin. En revanche, Hector n'aurait eu aucun mal à s'endormir dans un vestiaire de filles, plein du parfum humide et entêtant de jeunes et doux vagins. Se dégageant lentement des tendres griffes du sommeil, il se retourna sur le dos en dégageant le drap. Jeunes et doux vagins. Il avait parlé à voix haute.
Connie.
Son image le réveilla. «Pervers», aurait pensé Aisha en l'entendant. Ce qu'il n'était pas. Tout simplement, il aimait les femmes. Jeunes, vieilles, en fleur ou au seuil du déclin. Tant de prétention le gênait presque, cependant il savait qu'elles l'aimaient. Les femmes l'aimaient.
«Lève-toi, Hector. Ta gym.»
Une série d'exercices qu'il faisait sans faute chaque matin. Cela durait au plus vingt minutes. Si, parfois, il se réveillait avec un mal au crâne, la gueule de bois, ou les deux, voire pris d'une lassitude si lourde qu'elle semblait remonter des profondeurs, il se débrouillait pour tout finir en moins de dix minutes. Ce n'était pas la stricte répétition des mêmes gestes qui comptait, mais le fait d'arriver au bout - même mal fichu, il faisait ses exercices. Il se levait, enfilait un pantalon de survêt et un T-shirt, puis commençait par neuf étirements d'une durée de trente secondes chacun. Il s'allongeait ensuite sur le tapis de la chambre pour effectuer cent cinquante abdos, suivis d'une cinquantaine de pompes. Et encore trois étirements pour finir. Alors il passait à la cuisine mettre le percolateur en marche, et partait au milk-bar au bout de la rue acheter le journal et un paquet de cigarettes. Revenu, il se servait un café, s'installait au fond dans la véranda, allumait une dope, ouvrait la page des sports et se mettait à lire. Une fois qu'il avait le journal déployé devant lui, qu'il savourait l'amertume du café et la première bouffée de nicotine, les ennuis, le stress, les conneries mesquines et les angoisses de la veille ou du lendemain ne l'atteignaient plus. À cet instant, et même s'il n'y avait que celui-là, Hector était heureux.
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