Extrait :
14 juin 1994, 21 h 40
Monrovia, Libéria
Le Libéria avait été le plus vieux régime démocratique de toute l'Afrique, avec une Constitution inspirée de celle des États-Unis. Autrefois, seule l'économie japonaise affichait un taux de croissance supérieur au sien. Et l'hôpital John-Kennedy de Monrovia était l'un des plus modernes de tout le tiers-monde.
En ce temps-là, le Libéria était une nation.
La Land Rover fonçait en rugissant à travers la nuit tropicale, sur la chaussée semée de nids-de-poule qui grimpait vers Mamba Point. À la lueur aveuglante des phares, on discernait çà et là des silhouettes qui fuyaient pour se perdre dans le noir, ou se blottir dans les cahutes et les bâtiments délabrés bordant la rue.
Les habitants de Monrovia n'étaient pas les seuls à avoir peur. Le soldat nigérian installé derrière la mitrailleuse Bren du véhicule était tout aussi nerveux. La mort rôdait souvent dans les rues de la capitale. Elle pouvait surgir au carrefour pour venir vous surprendre. La Land Rover s'arrêta devant ce qui avait été la loge maçonnique de Monrovia. Le capitaine Owe Belewa en descendit et lança d'un ton sec :
- Laissez tourner le moteur, caporal.
Vêtu comme ses hommes d'un treillis camouflé, il contourna la statue criblée de balles d'un quelconque dignitaire d'antan et monta les marches de marbre. Les piliers fissurés encadrant le portique avaient sous les étoiles des reflets pâles de ruines romaines.
La Force d'observation militaire de la Communauté économique des pays d'Afrique occidentale (FOMCE-PAO) avait installé son quartier général dans l'édifice. Deux sentinelles se mirent au garde-à-vous tandis que le capitaine Belewa passait sans répondre à leur salut précipité.
La salle de réception, depuis longtemps pillée, dépouillée de tout, n'était éclairée que par une seule lumière. Un lieutenant assis à un bureau de métal gris lisait un magazine sportif britannique.
- Il faut que je parle au colonel Eba ! lança Belewa. Et tout de suite !
Large d'épaules, puissamment musclé, il impressionnait ; son visage fermé, ses yeux pleins de fureur effrayèrent l'officier de garde.
Celui-ci savait que le Browning et le couteau de chasse que Belewa portait à la ceinture n'étaient pas de simples symboles de son autorité, mais les armes d'un guerrier, toujours prêtes à servir. Il en allait de même de la compagnie d'infanterie mécanisée qu'il commandait. Une unité d'élite, la meilleure de toute l'armée nigériane, chuchotaient certains. Mieux valait ne pas le contrarier.
- Le colonel n'est pas de service, monsieur, balbutia le lieutenant. Il a donné pour instructions de ne pas le déranger, sauf en cas d'urgence.
- C'en est une ! tonna le capitaine. Je dois lui parler sur-le-champ !
L'autre convoqua en hâte un soldat pour le conduire jusqu'aux appartements du colonel - tout en sachant qu'il s'exposait ainsi à de graves ennuis. Mais, entre deux maux, il préférait choisir le moindre.
Belewa suivit son guide le long de l'escalier menant au premier étage. Dans l'entrée vide, une faible lumière filtrait derrière un rideau. On entendait aussi de la musique, et des rires de femmes.
Présentation de l'éditeur :
Hier le Libéria et la Sierra Leone, aujourd'hui la Guinée, demain peut-être la Côte-d'Ivoire... Mais qui arrêtera le général Belewa ? Déjà comparé à un Napoléon africain, ce redoutable stratège a en effet bâti par les armes un nouvel État, l'Union d'Afrique occidentale, et son ambition semble sans limite.
Jusqu'alors tolérante, l'ONU va cependant réagir après l'attaque surprise de ses soldats. Une unité d'élite est constituée, équipée d'aéroglisseurs ultramodernes - les Seafighters - et placée sous le commandement du capitaine Amanda Garrett, spécialiste des situations de crise. Navigatrice émérite, Amanda va découvrir un nouveau terrain - le littoral - avec ses eaux saumâtres et sa végétation impénétrable, où l'expérience de l'ennemi vaut bien les armements les plus sophistiqués...
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