Extrait :
Extrait du prologue :
Je m'appelle Mélodie et dans quelques semaines j'aurai dix-huit ans. Mon anniversaire tombera pendant le procès de papa et maman. Quand je pense qu'ils risquent d'être condamnés à dix, douze ou peut-être quinze ans de prison, j'ai le coeur pris dans un étau.
Pour desserrer les mâchoires de cet étau, j'ai décidé de raconter ce qui nous est arrivé.
J'écris devant la fenêtre de ma chambre, chez mon grand-père, à Esquibien, face à la baie d'Audierne. Nous sommes en mars, le mois des premières tempêtes de printemps. Aujourd'hui, le ciel et la mer semblent fâchés. Le ciel est uniformément gris, boudeur, immobile, alors que la mer, agitée par une longue houle venue du large, est verte comme un lagon. Les vagues frangées de blanc pénètrent jusque dans le port. Dépassant de la digue, le mât d'un voilier qui fait route au moteur vers les pontons d'Audierne bat la mesure de cette gigue dansée aux quatre points cardinaux de l'Iroise.
La mer est verte, le ciel est gris, mais peu m'importe. Quelle que soit sa couleur, quelle que soit son humeur, je ne me lasse pas de ce paysage maritime.
La vue de ma fenêtre est un océan de bonheur.
Le bonheur, justement, parlons-en.
A part les imbéciles heureux, je suppose qu'à un moment ou un autre de sa vie chacun est amené à se poser cette question : c'est quoi le bonheur ?
Avant l'âge de raison, on a tendance à confondre cette question avec la fameuse proposition conditionnelle : «Si j'étais riche...» Cette tarte à la crème, ce sujet de rédaction sans doute passé de mode, avait au moins l'avantage de permettre aux écoliers de rêver.
Oui, avant que la bombe du malheur ne nous disperse en éclats, j'aurais répondu bêtement, comme la plupart des gosses, que le bonheur c'est de vivre dans un palais au bord de la Méditerranée, posséder un bateau avec son équipage, un jet privé avec son pilote toujours prêt à décoller, voyager autant qu'on veut, remonter l'Amazone, faire des safaris-photos au Kenya, gravir les pentes des volcans en Islande et peut-être descendre au centre de la Terre sur les traces des héros de Jules Verne. Et, dans l'ivresse de la confusion entre richesse et bonheur, j'aurais agité mon filet à papillonner des idées juvéniles et rajouté un tas de trucs égoïstes, du style : le bonheur c'est aussi avoir deux mille chaînes télé, des montagnes de fringues, une armée de femmes de chambre, bref, tout ce qu'on peut avoir quand on est milliardaire, y compris, pour terminer, un vrai prince charmant qui vous épouse et vous fabrique des petits princes et des petites princesses qui feront la couverture des magazines.
Après que le ciel nous a dégringolé sur la tête, j'ai su tout de suite que le bonheur c'était notre simple vie d'avant : des parents qui s'aiment et vous aiment et n'ont pas de soucis d'argent, un petit frère avec qui vous disputer et vous réconcilier dans la minute qui suit, une jolie maison dans un quartier tranquille, un mois de vacances d'été au bord de la mer en Bretagne et une semaine de sports d'hiver en février. Tout le monde n'a pas tout ça.
Présentation de l'éditeur :
Tout allait bien pour les Merour. Un quotidien paisible et heureux au coeur du pays breton, jusqu'à ce matin terrible où Mélodie voit son père, accusé des pires crimes, quitter le domicile familial encadré par des policiers. L'incrédulité cède rapidement la place à l'angoisse, la douleur, puis la colère... Sur la foi d'un témoignage improbable, l'existence de Mélodie et des siens sombre dans le chaos : père emprisonné, déménagement dans un quartier sordide, nouveau lycée, travail de nuit de la mère, mutisme inquiétant du petit frère. Après avoir touché le fond, la jeune fille trouvera-t-elle la force de renouer avec la vie, de retrouver sa dignité et de pardonner ?
«L'écriture très maîtrisée d'Hervé Jaouen fait entrer le lecteur au coeur des dérives de Mélodie, au plus près de sa tragédie, de sa révolte.»
L'Est Républicain
Également chez Pocket : Que ma terre demeure, L'adieu au Connemara et Au-dessous du calvaire.
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