Extrait :
Un lundi soir comme tant d'autres. Au commissariat central d'une petite ville de banlieue, pas loin de Paris, Didier Parmentier, l'agent de permanence, feuillette son journal. La soirée est calme, à peine une plainte pour tapage nocturne - alors qu'il n'est même pas 22 heures -, une déclaration de perte de portefeuille et un début de bagarre dans un bistrot des environs. Encore une longue nuit qui se profile, avec pour seuls compagnons le crépitement de la centrale radio et les quelques allées et venues des collègues en patrouille... Pas grave, Didier a prévu le coup. Il referme le journal et allume son iPad sur lequel il entame une partie de solitaire. Histoire de se mettre en forme. Ensuite, il passera aux choses sérieuses : Tetris, Max Awesome et Angry Birds Friends. Se connectera sûrement sur Facebook pour voir les news et bavarder en discussion instantanée avec un contact virtuel ou un ami réel.
La sonnerie du téléphone le fait sursauter. Il détourne aussitôt les yeux de la tablette et s'empare du combiné.
- Commissariat de police, j'écoute !
À l'autre bout de la ligne, une voix de femme, ou plutôt un souffle, entre anhélation et chuchotement. Ton oppressé, débit saccadé.
- S'il vous plaît, venez vite ! J'ai entendu du bruit en bas et..., commence-t-elle à la seconde où Didier achève sa formule d'introduction.
Elle s'interrompt, le tourment aux aguets, comme à l'écoute d'une menace. La voix paraît réellement paniquée. Un murmure asphyxié par l'angoisse. Un hoquet de terreur. Semble vouloir se faire aussi discrète que possible, craignant d'être repérée. Et derrière le timbre glacé de la frayeur, il y a la respiration : courte, serrée, affolée.
Didier perçoit l'urgence du besoin, celui d'être entendue d'abord, comprise ensuite, rassurée enfin.
- Je vous écoute, madame. De quoi s'agit-il ?
- Il faut venir, maintenant, tout de suite ! Il y a du bruit au rez-de-chaussée, quelqu'un est entré chez moi et... je suis presque certaine que c'est ma voisine...
- Votre voisine ? Vous avez des problèmes de voisinage ?
- S'il vous plaît, ne me laissez pas seule ! Elle... Elle est entrée par le jardin, je crois... Par la porte-fenêtre... Elle me déteste ! Elle m'a déjà menacée plusieurs fois... Je pense qu'elle veut se débarrasser de moi !
- Restez calme, madame, nous arrivons tout de suite. Donnez-moi votre nom et votre adresse.
La voix énonce ses coordonnées complètes, manquant céder à la panique lorsque Didier lui demande d'épeler son nom de famille. Le policier l'exhorte au calme, tente de la rassurer, lui promet qu'une patrouille sera rapidement sur les lieux.
- Dépêchez-vous, je vous en supplie ! Et si je ne vous ouvre pas, défoncez la porte ! ajoute-t-elle dans un souffle.
Un mot de l'auteur :
Barbara Abel vit à Bruxelles où elle se consacre à l'écriture. Prix Cognac avec L'Instinct maternel (Éditions du Masque, 2002), puis sélectionnée par le prix du Roman d'Aventures pour Un bel âge pour mourir (Éditions du Masque, 2003), son oeuvre est aujourd'hui largement adaptée à la télévision et traduite en plusieurs langues. Avec Derrière la haine (Fleuve Éditions, 2012) et prix des lycéens de littérature belge 2015, elle marque son grand retour au roman noir. Après la fin (2013) est son dernier roman publié chez Fleuve Éditions.
L'Innocence des bourreaux (2015) et Je sais pas (2016), ont tous deux paru aux éditions Belfond.
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Barbara Abel
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