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Extrait :
(Jeudi 1er janvier 1959)
Delphine allume la veilleuse, son regard s'attarde sur le visage d'Olivier, les tempes, les paupières, le nez, les petites rides. Il dort sur le côté, une main hors du lit. Cheveux longs en bataille, respiration lente, il sourit légèrement. A quoi peut-il rêver ? Son coeur se serre, elle ignore tout de lui. Elle l'aime, c'est suffisant.
Lorsqu'elle est entrée à tâtons dans sa chambre, vers 2 heures du matin, il a prononcé quelques mots indistincts. A-t-il murmuré : «Viens...» ? Il lui semble. Elle s'est glissée dans son lit, s'est blottie coeur battant contre son dos. Il est resté immobile un long moment, puis il a soupiré et s'est retourné vers elle. Il l'a prise dans ses bras et lui a longuement caressé les cheveux. Elle a respiré sa peau, elle a senti sa main se promener sur son front, sa joue ; un doigt s'est attardé sur ses lèvres, c'était doux. «Il ne faut pas», a-t-il dit. Pour toute réponse, elle a enlevé sa chemise de nuit, s'est à nouveau serrée contre lui en tremblant de bonheur. Elle a posé la tête au creux de son épaule et avancé une jambe entre les siennes. Ils sont restés ainsi pendant une éternité puis il a répété : «Il ne faut pas».
Elle en pleurerait. Pourquoi lui a-t-il refusé ce qu'elle désirait ? Pendant le dîner, il lui avait semblé qu'il la regardait enfin comme un homme peut regarder une femme et non une petite fille. La trouve-t-il trop jeune ? Lui trop vieux ? Qu'importe, la chambre est baignée par la grâce des certitudes ; elle sait qu'ils sont faits l'un pour l'autre, c'est écrit. Elle l'attendra le temps qu'il faudra.
Delphine frissonne, cherche sa chemise de nuit. Elle se penche, embrasse le creux du poignet du dormeur. Elle aime que ce soit son premier geste de la nouvelle année. La villa dort encore. Delphine s'aide de la main courante, rejoint sa chambre sur la pointe des pieds en évitant de faire craquer le parquet du couloir, ouvre sa porte avec d'infinies précautions. S'habille. Un halo blanc-bleu éclaire le parc recouvert de neige, la nuit commence à faiblir. À moins que ça ne soit que la grosse lampe ornant la façade au-dessus du perron. Elle descend l'escalier, traverse le grand salon, se dirige vers la cuisine. Madame Farge est bien sûr déjà à pied d'oeuvre.
- Bonjour, Delphine...
- Bonjour, bonjour !
- Bien dormi, petite ?
L'accent savoyard de madame Farge semble légèrement narquois. Serait-elle au courant ? Delphine fronce les sourcils. Cela ne l'étonnerait pas. La villa de Fontenay est son royaume, la vieille gouvernante sait faire parler les murs.
- Pas si petite que ça, j'ai presque dix-sept ans !
- Oui. Presque la moitié du double...
Delphine cherche à comprendre puis rougit violemment. Le visage de madame Farge s'illumine d'un sourire complice.
- Vous ne direz rien à mon père ?
- Non, Mademoiselle. Mais ce n'est pas bien, vous êtes trop jeune, vous allez vous faire du mal.
Delphine se penche, dépose un baiser sur la joue fripée.
- Merci, madame Farge, ne vous inquiétez pas pour moi, je vais prendre mon petit déjeuner !
- Allez-y. J'ai mis la chaudière à fond et j'ai préparé la cheminée. Si vous avez froid, il y a aussi des couvertures.
Madame Farge la regarde se diriger vers le salon. Si c'est pas malheureux ! Avec le fils de madame Odette, la deuxième femme de son propre grand-père ! Si elle continue, cette petite va mettre le feu à toute la famille, c'est déjà assez compliqué comme ça.
Présentation de l'éditeur :
Delphine allume la veilleuse, son regard s'attarde sur le visage d'Olivier, les tempes, les paupières, le nez, les petites rides. Il dort sur le côté, une main hors du lit. Cheveux longs en bataille, respiration lente, il sourit légèrement. A quoi peut-il rêver ? Son coeur se serre, elle ignore tout de lui. Elle l'aime, c'est suffisant.
Lorsqu'elle est entrée à tâtons dans sa chambre, vers 2 heures du matin, il a prononcé quelques mots indistincts. A-t-il murmuré : «Viens...» ? Il lui semble. Elle s'est glissée dans son lit, s'est blottie coeur battant contre son dos. Il est resté immobile un long moment, puis il a soupiré et s'est retourné vers elle. Il l'a prise dans ses bras et lui a longuement caressé les cheveux. Elle a respiré sa peau, elle a senti sa main se promener sur son front, sa joue ; un doigt s'est attardé sur ses lèvres, c'était doux. «Il ne faut pas», a-t-il dit. Pour toute réponse, elle a enlevé sa chemise de nuit, s'est à nouveau serrée contre lui en tremblant de bonheur. Elle a posé la tête au creux de son épaule et avancé une jambe entre les siennes. Ils sont restés ainsi pendant une éternité puis il a répété : «Il ne faut pas».
Elle en pleurerait. Pourquoi lui a-t-il refusé ce qu'elle désirait ? Pendant le dîner, il lui avait semblé qu'il la regardait enfin comme un homme peut regarder une femme et non une petite fille. La trouve-t-il trop jeune ? Lui trop vieux ? Qu'importe, la chambre est baignée par la grâce des certitudes ; elle sait qu'ils sont faits l'un pour l'autre, c'est écrit. Elle l'attendra le temps qu'il faudra.
Delphine frissonne, cherche sa chemise de nuit. Elle se penche, embrasse le creux du poignet du dormeur. Elle aime que ce soit son premier geste de la nouvelle année. La villa dort encore. Delphine s'aide de la main courante, rejoint sa chambre sur la pointe des pieds en évitant de faire craquer le parquet du couloir, ouvre sa porte avec d'infinies précautions. S'habille. Un halo blanc-bleu éclaire le parc recouvert de neige, la nuit commence à faiblir. À moins que ça ne soit que la grosse lampe ornant la façade au-dessus du perron. Elle descend l'escalier, traverse le grand salon, se dirige vers la cuisine. Madame Farge est bien sûr déjà à pied d'oeuvre.
- Bonjour, Delphine...
- Bonjour, bonjour !
- Bien dormi, petite ?
L'accent savoyard de madame Farge semble légèrement narquois. Serait-elle au courant ? Delphine fronce les sourcils. Cela ne l'étonnerait pas. La villa de Fontenay est son royaume, la vieille gouvernante sait faire parler les murs.
- Pas si petite que ça, j'ai presque dix-sept ans !
- Oui. Presque la moitié du double...
Delphine cherche à comprendre puis rougit violemment. Le visage de madame Farge s'illumine d'un sourire complice.
- Vous ne direz rien à mon père ?
- Non, Mademoiselle. Mais ce n'est pas bien, vous êtes trop jeune, vous allez vous faire du mal.
Delphine se penche, dépose un baiser sur la joue fripée.
- Merci, madame Farge, ne vous inquiétez pas pour moi, je vais prendre mon petit déjeuner !
- Allez-y. J'ai mis la chaudière à fond et j'ai préparé la cheminée. Si vous avez froid, il y a aussi des couvertures.
Madame Farge la regarde se diriger vers le salon. Si c'est pas malheureux ! Avec le fils de madame Odette, la deuxième femme de son propre grand-père ! Si elle continue, cette petite va mettre le feu à toute la famille, c'est déjà assez compliqué comme ça.
Dans la famille Ormen, les secrets font partie de l'héritage. Mais les mentalités évoluent, avec le temps, avec la ville. L'essor du rock, la guerre d'Algérie, Mai 68... Si le cœur de Paris traverse la Seine, celui de Marie, de Delphine, de Pierre et tous les autres n'a jamais été si chahuté. Alors que l'une découvre la vérité sur sa naissance, d'autres tâchent de laisser dans l'ombre les heures très noires de leur passé. Dans un monde en pleine métamorphose, il faut que tout change, pour que rien ne change.
" La famille Ormen n'en finit pas de se dépêtrer. Pour notre plus grand plaisir... " Pleine Vie
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- ÉditeurPocket
- Date d'édition2016
- ISBN 10 2266258044
- ISBN 13 9782266258043
- ReliurePoche
- Nombre de pages480
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Image d'archives
Saga parisienne
Edité par
POCKET
(2016)
ISBN 10 : 2266258044
ISBN 13 : 9782266258043
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