Présentation de l'éditeur :
En ce 6 décembre 1830, Eugène Delacroix, qui a écouté la veille la Symphonie fantastique de Berlioz, se retrouve amer et incertain. Au terme de cette année romantique par excellence, l'année d'Hernani et de la révolution de Juillet, il se voit contraint de terminer la Bataille de Nancy, composition historique destinée à cette ville et commandée par le comte de Martignac, ministre de l'Intérieur de Charles X à présent en exil. Le coeur n'y est pas. Au cours d'une promenade qui l'a mené jusqu'aux Grands Boulevards, il décide, pour stimuler sa création, d'écrire un roman historique qui racontera le destin du personnage central de son tableau, ce chevalier qui perce de sa lance Charles le Téméraire le 5 janvier 1477.
Amateur des opéras de Rossini, lecteur assidu des romans de Walter Scott qu'il a plusieurs fois illustrés, ami d'Hugo, de Dumas, de Théophile Gautier qui sont venus réciter devant ses plus belles toiles, Delacroix va utiliser les conflits douloureux et les ressorts inattendus du drame romantique : un héros farouche et tourmenté qu'il imprègne de son propre destin, des comparses hauts en couleur, des intrigues ténébreuses, des filiations secrètes, le tout illustré par ses propres tableaux et ceux de ses meilleurs aînés, tels Rembrandt, Jérôme Bosch, Bruegel, Van Goyen, Vermeer.
Quentin Debray retrouve ici son inspiration de romancier historique, déjà pratiquée avec La Maison de l'Empereur, s'offrant le luxe d'un double décalage, d'abord en 1830, auprès de Delacroix encore ému par la révolution, puis au XVe siècle, avec un roman médiéval qui s'illustre en permanence d'images, de sentiments et de couleurs pour accomplir un personnage héroïque et droit mais néanmoins sacrifié.
Extrait :
Les panoramas.
Sur cette plaine il neigeait mal, frimas ou givre, il hésitait, les montures ferrées à glace s'y assuraient avec peine, prenant des poses étranges, les naseaux vaporeux et l'oeil affolé, parfois jetées à terre, Jean de Rubempré ayant vidé les étriers se relevait contusionné, les cavaliers occupés à pointer leur lance voulaient ignorer le froid qui les crispait, d'autres se pressaient en foule sous un flot d'étendards rutilants qui déferlaient sur cette plage d'agonie, presque trop nombreux comme au final d'un opéra, d'or, de gueules, de sable, au lion, à la Vierge, au bras armé d'une épée, «Une pour toutes», coalition de vainqueurs s'apprêtant à dévorer le prince barbu qui commençait à dévisser sur le vaillant Moro, le blanc de plomb livré par Haro n'apportait pas l'éclat souhaité, il retrouvait le cauchemar de la nappe de Liège maintes fois recommencée, la grisaille du fond transparaissait à travers les guérets, cela manquait de vigueur et d'empâtement, le soleil avait disparu derrière une nuée, les troupes sortant du bois de Saurupt se dispersaient alors qu'elles auraient dû terrasser l'ennemi par leur puissante densité, la lisière ardoise et presque sale de la forêt de Haye ne contrastait guère avec le ciel trop sombre, ce château ridicule sur la gauche faisait une concurrence déloyale aux événements du premier plan. Décidément rien n'allait. Les contours n'étaient pas francs, les poses inachevées, il lui fallait remplir de plus d'emphase et de ferveur cette étendue livide où soudain l'événement se concentrait. Il avait remarqué dans le regard anonyme du lancier qui allait percer le grand duc d'Occident une surprise effrayée qu'il ne s'expliquait pas.
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