Extrait :
UN ASPECT MECONNU DE GEORGE SAND
PENDANT UN siècle, George Sand (1804-1876) a été victime d'une trop bonne réputation. Les succès inépuisables de La Mare au diable (1846), François le Champi (1847), La Petite Fadette (1848), et la dévotion scolaire ont réduit et figé leur auteur à une fonction régionaliste.
Depuis trente ans on redécouvre certains aspects négligés de sa personnalité. Analyste des moeurs, féministe, socialiste, précurseur de l'écologie. L'un d'eux reste obstinément à l'écart de l'entreprise de réhabilitation. Il a fait l'objet, chez le plus pieux de ses biographes d'une exclusion superbe. Francine Mallet a ainsi qualifié un court roman et une quinzaine de nouvelles fantastiques de «contes de fées optimistes écrits pour Le Temps et la Revue des deux mondes de 1864 à 1873».
L'intérêt de Sand pour le fantastique est bien antérieur à la dernière décennie de sa vie. Il se manifeste dès 1839 par un Essai sur le drame fantastique, important pour sa définition de l'univers fantastique : «Ni en dehors, ni en dessus, ni en dessous, il est au fond de nous.»
En 1851, pour faire suite à une étude sur les Moeurs et coutumes du Berry, elle donne avec Les Visions de la nuit dans les campagnes la charte qui régira sa future oeuvre fantastique. Que celle-ci procède du folklore {Légendes rustiques, 1858) ou de la pure imagination. À cette dernière, sont redevables de 1863 à 1873 trois sortes d'histoires. Allégories où s'expriment son panthéisme : Ce que dit le ruisseau (1863). Où le merveilleux sert de voile à un exposé didactique des prodiges inaperçus et quotidiens de la nature : beauté des poussières {La Fée poussière), des insectes (La Fée aux gros yeux), des minéraux {Le Marteau rouge), de fleurs {Ce que disent les fleurs). Étrangetés de certaines formes de vie marine (Le Gnome des huîtres).
Contes de fées classiques : La Reine Coax, Le Nuage rose, Les Ailes de courage. Ou moins classiques : Le Chêne parlant, Le Chien et la fleur sacrée ; et surtout La Coupe, dont le sous-titre, Féerie, ne l'empêche pas d'être... très anti-féerique.
Une troisième catégorie relève du fantastique au sens propre par le rôle ambigu assigné au supernaturel, déroutant pour la raison. Le Château de Pic-tordu, Le Géant Yéous, L'Orgue du Titan, Laura ou Voyage dans le cristal.
Tous ces contes ont été recueillis par l'auteur dans les deux volumes de Contes d'une grand-mère, excepté La Coupe. Elle y évoque un pays des fées, gouverné par une reine très officielle. Ses habitantes voient leur baguette connaître de singulières pannes. Elles ont perdu le pouvoir absolu de réaliser à volonté la mutation de la matière, comme changer une citrouille en carrosse. Plus de métamorphoses, seulement des illusions. La Coupe n'est pas seulement le procès et l'expulsion des fées. Pire, c'est la démonstration de leur inutilité.
Elle utilisera le merveilleux en carton doré de la féerie comme faire-valoir des merveilles authentiques de la nature (Le Marteau rouge, La Fée poussière, Ce que disent les fleurs...)
Depuis son analyse des légendes du Berry, le surnaturel est pour elle une perversion du naturel. Conviction ramassée dans une formule lapidaire : «La nature travaille mieux que les fées.» Laura ou Voyage dans le cristal en est la démonstration poétique.
Alexis aime sans espoir sa cousine Laura, promise à un autre. Quand surgit soudain un mystérieux inconnu qu'il prend pour le père de Laura, Alexis se laisser entraîner par lui dans une étrange équipée vers les glaces polaires. «La porte du souterrain enchanté est aux pôles et comme le pôle Nord est le moins inaccessible, c'est vers celui-là qu'il faut nous diriger au plus vite.»
Présentation de l'éditeur :
L'intérêt de Sand pour le fantastique est bien antérieur à la dernière décennie de sa vie. Il se manifeste dès 1839 par un Essai sur le drame fantastique, important pour sa définition de l'univers fantastique : «Ni en dehors, ni au-dessus, ni en dessous, il est au fond de nous.» Les trois contes présentés ici- Laura ou Voyage dans le cristal (1865), L'Orgue du titan (1876), Le Géant Yéous (1873) -, sont fantastiques au sens propre par le rôle ambigu assigné au supernaturel, déroutant pour la raison. Avant même d'en arriver à la conclusion que le surnaturel est dans l'homme, George Sand s'était montrée novatrice en refusant de croire que les hallucinations «sont uniquement l'ouvrage de la peur». Jusqu'ici, nul critique ne paraît s'être avisé que, précurseur de Jean Giono et du réalisme champêtre, de l'écologie, du féminisme, George Sand était aussi précurseur du récit fantastique moderne.
Préface de Francis Lacassin
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