Articles liés à De l'eau glacée contre les miroirs

De l'eau glacée contre les miroirs - Couverture souple

 
9782268062785: De l'eau glacée contre les miroirs
Afficher les exemplaires de cette édition ISBN
 
 
Extrait :
Je voulais soulever la poussière, déchirer l'ombre, glisser près des corps perdus, caresser des fantômes, appeler les morts, nommer les disparus, dévaler la pente des années, me presser contre ma jeunesse et déplier des figures, pour que naisse un livre, le roman de mes morts, et qu'il éclaire là où je sombre. Car les livres connaissent l'avenir ; ils nous sauvent un moment, chacun succédant à d'autres.
Il fallait que je m'éloigne. J'enlèverais mes morts au désert, au coeur surpeuplé des saharas égyptiens. On me proposait, pour d'autres projets, de séjourner trois mois au Caire, je détournerais la commande. Je connaissais l'Egypte mais assez mal Le Caire qui m'effrayait et où je n'étais resté que le temps d'une visite convenue de touriste, avant de descendre vers Louxor et Assouan, ou bien bifurquer vers Alexandrie et la Méditerranée.
La première fois déjà aux pyramides, j'avais convoqué des fantômes. C'était le matin de bonne heure, à l'ouverture du site, je m'étais engouffré sous la pyramide de Khéops, dans le boyau suffocant qui mène à la chambre funéraire du roi. On descend d'abord sur plusieurs mètres avant que le couloir s'élargisse et s'élève vers le tombeau. J'avais grimpé comme un fou, semé les premiers visiteurs et déboulé en nage dans la chambre. À l'époque, le système de ventilation n'avait pas encore été modernisé ni l'éclairage, l'air était moite et la lumière incertaine. Une ampoule seule, un néon peut-être, je me souviens mal, était accrochée à l'encoignure contre la dalle de granit du plafond et reflétait des éclats bleutés mouillés de condensation. Le sarcophage n'avait pas de couvercle, j'avais enjambé le rebord et je m'étais allongé dans le creux de la pierre, les bras raidis, les yeux clos, comme un gisant de cathédrale, mais je reposais dans la tombe de Pharaon et j'ai ouvert les yeux dans son éternité. Mon regard a été aimanté par le granit, s'y est noyé comme dans une flaque suspendue, une nappe de goudron - celui des embaumeurs, j'en sentais même l'odeur me pénétrer. Ça n'a pas duré longtemps, je n'ai pas entamé la traversée des morts, les visiteurs semés ont débouché dans la chambre et il y en a un qui a braqué le faisceau de sa torche électrique à l'intérieur du sarcophage. Tandis qu'il riait, je me suis extirpé et j'ai rebroussé chemin, dans la descente, j'ai bousculé des épaules, choqué quelques chevilles et essuyé des ruades polyglottes.
C'est sous la dalle de granit que l'idée s'est esquissée. À cause d'une confusion d'images : la pierre noire, presque bleue, du tombeau et l'ardoise épaisse, feuilletée de bleu aussi, d'une passerelle qu'enfant j'avais franchie pour entrer dans la maison d'un vieil homme aujourd'hui sans visage mais dont je n'ai pas oublié la mort. Mon premier mort.

Je pèse sur mes pieds pour que mes semelles glissent sur l'ardoise. La dalle enjambe le ruisseau. Anne-Marie est déjà de l'autre côté devant la maison. Je cours derrière elle, ses cheveux tranchés courts oscillent tel un bloc flexible sur sa nuque. Des cheveux mats qui ne prennent pas la lumière et que sa mère, madame Rouquette, cisaille chaque mois parce qu'elle considère que ce ne sont pas des cheveux de fille. En attendant l'âge des minivagues et des permanentes, Anne-Marie est coiffée à la garçonne ; seule concession, elle a conservé sur le front une mèche plate qu'une barrette retient par-dessus l'oreille. Anne-Marie a un an de plus que moi, nous ne sommes pas vraiment amis mais nous faisons beaucoup de choses ensemble, comme patauger dans le ruisseau qui contourne la maison du vieil homme à qui nous rendons visite. Dans le courant, les herbes filasses abritent des têtards et des tritons que nous piégeons dans des bocaux. Il arrive que, dans le gravier ou sous la mousse, nous délogions une salamandre. Un jour, en soulevant une pierre avec le poignard d'enfant que madame Rouquette m'avait acheté au marché de Villefranche-de-Lauragais, j'ai piqué au ventre une salamandre, et un anneau de viscère a jailli, une boucle nacrée qui gonflait à mesure que la plaie béait. J'ai retourné la pierre et j'ai dit à Anne-Marie que la salamandre était en train d'accoucher, il valait mieux la laisser tranquille.
Présentation de l'éditeur :
Philippe Mezescaze

DE L'EAU GLACÉE CONTRE LES MIROIRS

Le narrateur, lauréat d'une bourse de voyage, choisit pour quelques mois de séjourner en Egypte. Et plutôt que de rapporter le récit convenu du voyageur, il décide d'inviter la mémoire de ses morts intimes au Caire : le premier mort de l'enfance, un vieillard sans visage, le premier amour d'adolescence, Hervé Guibert, à La Rochelle, et plus tard l'amitié de Roland Barthes, d'autres amis, d'autres amants, ses parents.
L'ironie fataliste et la mélancolie fêlée des Égyptiens accueillent le mémento intime et offrent un reflet amical à ce portrait finalement sans concession d'une certaine génération occidentale.
On n'oubliera pas non plus les portraits égyptiens de Denis Dailleux, vigies bienveillantes postées en tête de chaque chapitre et la belle photographie d'Hervé Guibert adolescent qui termine le livre.

Philippe Mezescaze vit à Paris, il arrive qu'il voyage, De l'eau glacée contre les miroirs est son septième roman.

Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.

  • ÉditeurDu Rocher éditions
  • Date d'édition2007
  • ISBN 10 2268062783
  • ISBN 13 9782268062785
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages217
EUR 23,70

Autre devise

Frais de port : Gratuit
Vers Etats-Unis

Destinations, frais et délais

Ajouter au panier

Meilleurs résultats de recherche sur AbeBooks

Image fournie par le vendeur

Mezescaze, Philippe
Edité par Du Rocher éditions (2007)
ISBN 10 : 2268062783 ISBN 13 : 9782268062785
Neuf No Binding Quantité disponible : 10
Vendeur :
booksXpress
(Bayonne, NJ, Etats-Unis)
Evaluation vendeur

Description du livre No Binding. Etat : new. N° de réf. du vendeur 9782268062785

Plus d'informations sur ce vendeur | Contacter le vendeur

Acheter neuf
EUR 23,70
Autre devise

Ajouter au panier

Frais de port : Gratuit
Vers Etats-Unis
Destinations, frais et délais
Image d'archives

Mezescaze, Philippe
Edité par DU ROCHER (2007)
ISBN 10 : 2268062783 ISBN 13 : 9782268062785
Neuf Couverture souple Quantité disponible : 4
Vendeur :
Gallix
(Gif sur Yvette, France)
Evaluation vendeur

Description du livre Etat : Neuf. N° de réf. du vendeur 9782268062785

Plus d'informations sur ce vendeur | Contacter le vendeur

Acheter neuf
EUR 18,30
Autre devise

Ajouter au panier

Frais de port : EUR 17,43
De France vers Etats-Unis
Destinations, frais et délais