Extrait :
Extrait de l'introduction :
ET UN JOUR, tout à coup, je me suis demandé : pourquoi ne parles-tu jamais de Prague dans tes ouvrages ? N'en as-tu pas assez d'en revenir toujours à des sujets aussi rebattus : ton enfance dans la sucrerie de Potrero, la stupeur en arrivant à Rome, l'aveuglement à Venise ? Peut-être cela te plaît-il de te sentir captif de ce cercle étroit. Est-ce par pure obsession, ou s'agit-il d'un appauvrissement de tes visions, de ton langage ? Te serais-tu transformé en momie, en cadavre, sans même t'en être rendu compte ?
Un traitement de choc peut donner des résultats incomparables. Il stimule des fibres qui languissaient, il secourt des énergies en perdition. Il est parfois amusant de se provoquer soi-même ; évidemment, sans en abuser : jamais je ne me laisse écraser par les reproches ; je prends soin de faire alterner la sévérité avec la flatterie. Au lieu de m'acharner contre mes limites, j'ai appris à les contempler avec condescendance, voire avec une certaine complicité. De ce jeu naît mon écriture ; c'est du moins ce qu'il me semble.
Un chroniqueur de la réalité, un romancier, talentueux de préférence, Dickens, par exemple, ne conçoit pas la comédie humaine comme une simple foire aux vanités, mais plutôt, partant d'elle, nous la montre comme un complexe mécanisme d'horlogerie où une générosité extrême côtoie des crimes immondes et s'en fait le complice, où les idéaux les plus élevés qu'a pu concevoir et réaliser l'être humain ne parviennent pas à le détourner de ses bassesses infinies, de ses mesquineries et de ses sempiternelles démonstrations de dégoût de la vie, du monde, de lui-même ; avec sa plume, il créera des personnages et des situations admirables. Avec la somme immense des imperfections humaines et la plus petite, la plus grisâtre, il faut bien le dire, de leurs vertus, Tolstoï ou Dostoïevski, Stendhal ou Faulkner, Rulfo ou Guimarães Rosa ont obtenu des résultats d'une perfection suprême. Le mal est le héros, et bien qu'en général il perde la partie, il ne la perd pas tout à fait. Le roman dans sa plus extrême perfection est le fruit de l'imperfection de notre espèce.
Présentation de l'éditeur :
En mai 1986, en pleine perestroïka, un diplomate mexicain (l'auteur ?) en poste à Prague est invité en Géorgie à titre d'écrivain. Il rédige un journal de bord de ce voyage au cours duquel il doit rencontrer d'autres écrivains. Or, la glasnost s'embrouille et notre homme est promené à Moscou, à Leningrad ; aussi le voyage se transforme t-il en une galopade folle de scènes grotesques et de calamités joyeuses, pour se terminer à Tbilissi l'irrévérencieuse, ivre de ce printemps politique. Sous la plume d'un merveilleux érudit excentrique et rêveur, ce voyage qui n'est ni un récit autobiographique ni un récit de voyage est aussi une traversée de siècles d'art et de culture, et de toute la forêt sacrée de la littérature russe, de Pouchkine à Gogol à Marina Tsvetaïeva.
Sous la plume d'un merveilleux érudit excentrique et rêveur, ce voyage qui n'est ni un récit autobiographique ni un récit de voyage est aussi une traversée de siècles d'art et de culture, et de toute la forêt sacrée de la littérature russe, de Pouchkine à Gogol à Marina Tsvetaïeva. Né au Mexique en 1933, étudiant à Rome, traducteur à Pékin et à Barcelone, professeur d'université à Xalapa et à Bristol, Sergio Pitol a occupé des postes diplomatiques dans de nombreux pays. Il est l'auteur de sept livres de contes et nouvelles et de cinq romans. En 1999, il a reçu le prix Juan Rulfo et le prix Roger Caillois en 2005, et le plus prestigieux prix espagnol, le prix Cervantès, est venu couronner l'ensemble de son oeuvre la même année.
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Marie Flouriot
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