Extrait :
Extrait de l'introduction
L'Amérique est-elle un don du Mississippi ?
Nous l'avons tous appris à l'école : l'Égypte est un don du Nil. Ainsi les grands fleuves ont-ils porté, de la Mésopotamie d'entre Tigre et Euphrate au Yangtsé, du Danube et du Rhin au Congo, soit de véritables empires, soit au moins des ensembles culturels et humains majeurs.
Se risquera-t-on à affirmer que les États-Unis sont un don du Mississippi ? On pressent bien, d'entrée de jeu, les limites de ce parallèle. L'Égypte sans le Nil ne serait probablement restée qu'un immense désert, magnifique sans doute dans sa désolation, superbe dans son isolement, mais enfin, oui, à peu près vide d'hommes - et de tout ce qu'ils y ont construit. L'Amérique du Nord avait au contraire trop d'autres ressources naturelles, y compris en eau douce, source lustrale des civilisations, pour ne dépendre que du Mississippi.
Mais quand on a dit cela, comment ne pas être épaté par tout ce que ce fleuve entre les fleuves, coeur d'un des plus puissants bassins hydrographiques du monde, a pu apporter aux peuples qui ont vécu dans sa proximité ? Les cours d'eau restent rarement des phénomènes seulement naturels. Plus souvent, ils deviennent le foyer d'une culture, au sens large : habiter et travailler ensemble au bord du fleuve, ou même, plus largement, dans le bassin du fleuve, auprès de ses affluents, crée presque toujours des liens qui ne s'imposent pas nécessairement de prime abord, mais finissent en général par fonder un «vivre ensemble» qui, pour être inconscient, n'en est pas moins fort.
On pourrait évidemment le dire de bien des cours d'eau de proportions beaucoup plus modestes que le Mississippi; notamment en Europe, où les faits géographiques et humains sont plus denses. Pour s'en tenir à la France, la Seine ou la Loire ont, dans l'histoire, tenu ce rôle avec éclat. Comment, pourtant, ne pas s'émerveiller quand, à l'échelle mirobolante du Nouveau Monde, un fleuve géant en majesté, et dont les bien nécessaires tentatives de domestication par les hommes n'ont aucunement effacé la splendeur, ni terni la gloire, nous annonce et nous offre l'Amérique ?
Sans le Mississippi, les États-Unis resteraient certes une des plus grandes nations du monde - dont c'est justement le propre que de ne pas voir cette grandeur suspendue à une seule de leurs composantes, si imposante soit-elle. Mais enfin, qui ne voit qu'à ce pays de superlatifs, l'hyperbole mississippienne manquerait tout de même terriblement ? Et pas seulement aux yeux des passionnés de géographie physique : l'Ol'Man River des chanteurs de jazz est aussi, en soi, un acteur économique de première grandeur. Et, puisque l'on parle de jazz, le lieu de naissance d'une double forme musicale (et même triple : n'oublions pas, outre le blues, le rock) d'autant plus capitale qu'elle a essaimé à travers le monde entier avec le déferlant succès que l'on sait. Et encore une source d'inspiration prodigieuse pour la littérature américaine : Mark Twain, William Faulkner, John Steinbeck, Tennessee Williams, Scott Fitzgerald, Richard Wright, tant d'autres, de stature également universelle...
Revue de presse :
Une frontière à l'échelle d'un continent où se succèdent avec des bonheurs différents Amérindiens, Espagnols, Français, Anglais, colons et esclaves venus d'Afrique, subissant ou acceptant tour à tour au gré des guerres et des traités l'autorité de Versailles, Londres, Paris, Madrid, Washington... Un mélange de cultures et d'histoires donnant finalement naissance à cet étrange style de vie, à une architecture, à une cuisine et une musique à part...
Un condensé de l'Amérique. (Fabrice Drouzy - Libération du 10 janvier 2013 )
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