Extrait :
La silhouette est massive, les boucles toujours blondes, le teint vermeil. Soudain, le personnage dessiné par Cocteau est là, sur la scène comme chez lui, avec son costume outremer, son oeillet rouge sur le coeur, et le fameux chapeau rond en auréole. Quelques années l'ont à peine effleuré. L'homme est entré en scène à petits pas et la clameur fervente qui l'a accueilli s'est enfin calmée. Il se tient debout, immobile, les yeux mi-clos, prisonnier d'un halo de lumière. Un immense silence s'est abattu dans la salle. L'homme savoure ce moment intense. La gloire, le bonheur. Puis il ouvre les paupières. Son regard bleu étincelle, vif, intact. Les légendaires yeux bleus, bleus comme le ciel de son Midi natal, bleus comme la mer qui roule, inlassable, dans ses chansons, bleus comme les nuages et les oiseaux, les fameuses prunelles d'azur s'écarquillent et s'arrondissent telles des billes étincelantes et la chanson fuse, fraîche comme au premier jour :
Je chante
Je chante soir et matin
Je chante sur mon chemin...
La voix est miraculeusement ferme, à la fois claire, forte et tendre. La chanson s'envole et s'envolent les elfes de la nuit, s'envolent la lune dansante, le laquais chinois, le gendarme à la pèlerine de vent, et le fantôme facétieux, léger, si léger qu'on en oublie la ficelle qui l'a délivré de la vie... Et le rythme s'empare du très jeune octogénaire qui vibre en cadence. Non, il ne saute plus comme jadis à travers la scène, mais la musique l'habite tout entier et tout le monde dans l'assistance peut voir que ce poète de France est vraiment «swing». C'est lui qui a appris le jazz à la chanson française et qui, le premier, l'a fait danser comme une folle. Ce soir encore, une fois de plus, les mots de la douce langue de Villon épousent la musique, et la magie se répand en ondes dorées sur la scène de l'Opéra Bastille.
Charles Trenet, «le Fou chantant», fête ses 80 ans. L'orchestre et les choeurs de l'Opéra de Paris, sous la baguette de leur chef sud-coréen Chung Myung-whun, l'accompagnent. «Tout le monde» est venu partager avec lui ce moment de célébration. Car c'est la jeunesse éternelle qui triomphe en cette fête, et la belle campagne de France où se donnent rendez-vous un soleil gaillard et une lune coquine; et les routes capricieuses qui sillonnent le joli pays de Jean Cocteau et de Verlaine, peuplées de blondes jeunes filles, de colombes multicolores, de boulangers d'opérette, de vieilles qui disent des merveilles, de jockeys ivres qui se prennent pour des capitaines, de vagabonds chantants et de fleurs bleues...
Il y a là, d'abord le président de la République, accompagné de son épouse, venu rendre un hommage tout particulier à ce poète de 80 ans qui incarne toujours la joie, la poésie, la vigueur de la France. Il y a des stars venues de partout et de toutes les générations : Marcello Mastroianni, Kirk Douglas, Jean Marais, Charles Aznavour, Florent Pagny, Renaud, Julia Migenes, Eddy Mitchell, Julien Clerc, Michel Fugain, Alain Souchon, Claudia Cardinale, Sandrine Bonnaire, Fanny Ardant, Jane Birkin, Francis Lalanne, Roger Hanin, Richard Berry, Marlene Dietrich, Serge Gainsbourg... et Jack Lang, ancien ministre de la culture et fan de Trenet, sans compter les académiciens, les journalistes, les sportifs, les célébrités de tous les horizons.
Présentation de l'éditeur :
Poète, jongleur de mots, Fou chantant, Charles Trénet demeure surtout l'enchanteur de nos vies et de nos souvenirs. Auteur compositeur et interprète de génie, il nous accompagne encore aujourd'hui et ressuscite la mémoire des jours heureux pour notre plus grand bonheur.
Cinquante ans de carrière mais le grand Charles n'est absolument pas mort. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, d'un artiste qui a si bien interprété l'amour, le plus beau des sentiments humains ? Avec lui, l'amour devient la Vie. L'amour de tous les prénoms féminins, des fleurs, des paysages, de son pays natal et l'humour aussi, constamment présent.
Si Charles est parti, il nous reste ses chansons, des images et des mots par milliers, dont la musique résonne irrésistiblement au fil de ces pages. Oui, ce livre est un livre d'amour, un livre d'hommage aussi, et une célébration du bonheur de vivre que l'on ne peut s'empêcher de chanter avec lui !
Nelson Monfort est l'un des journalistes sportifs les plus appréciés du public. Il a publié aux éditions du Rocher un ouvrage largement illustré plébiscité par le public, Jean Ferrât, ainsi que Le Roman de Londres.
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