Après une longue période au cours de laquelle le mode de subsistance de l'homme repose avant tout sur la chasse et la cueillette, un tournant décisif de son histoire est marqué par l'avènement des premières sociétés villageoises sédentarisées puis l'apparition de l'agriculture et de l'élevage, deux modes de production nouveaux qui s'imposeront comme les fondements de nos sociétés modernes. Cette mutation, que l'on a appelée la Révolution néolithique, apparaît pour la première fois au Proche-Orient. Si c'est bien dans cette Révolution néolithique que s'enracinent nos modes de vie et de production actuels, c'est sur la nature et les causes de ce changement majeur que s'interroge l'auteur. Les modèles économistes, qui ont toujours fait de la production de subsistance une réponse à des pressions imposées par des contraintes extérieures (démographie, climat...), sont abandonnés au profit d'une véritable mutation culturelle, la Révolution des symboles, qui anticiperait ce moment crucial de notre histoire.
Dans cet essai sur l'origine de l'agriculture, dont la première édition en 1994 a fait date tant parmi les chercheurs que parmi le large public cultivé, Jacques Cauvin nous livre à la fois l'état des dernières découvertes et leur mise en perspective historique. Cette nouvelle édition, corrigée et mise à jour, intégre les résultats des fouilles de sauvetage du Néolithique précéramique du Moyen Euphrate, des découvertes faites à Chypre d'une phase d'occupation antérieure à la civilisation de Khirokitia, ainsi que l'avancée spectaculaire des recherches menées récemment en Anatolie.
Pourquoi l'agriculture, les villes, les dieux sont-ils nés dans la région du Croissant fertile ? Quels événements immenses ont pu, entre -9000 et -6000, faire passer les hommes de la hutte aux premières cités ? Pour le comprendre, Jacques Cauvin, spécialiste de la préhistoire a fouillé les strates les plus anciennes des grands tells du Proche-Orient. Dans les niveaux archaïques de Jéricho, bien avant les murs de Josué, il évoque pour nous les premières implantations sédentaires. A partir de fragiles vestiges, amulettes d'os ou de terre cuite, silex taillés et débris végétaux, il reconstitue des mondes depuis longtemps engloutis : ces civilisations premières, Natoufiens et Kiamiens vieux de plus de dix mille ans, tracent timidement la voie à l'éclosion de l'agriculture. L'auteur suit cette transition démarrée à Mureybat, sur le moyen Euphrate, jusqu'à son essor en Anatolie et au Zagros.
Les passionnés d'histoire archaïque se délecteront de cet ouvrage érudit : à chaque strate de fouille, c'est un millénaire d'expériences que nous découvrons, et pour nous soudain un peu de lumière jaillit dans ces moments oubliés de la mémoire humaine. --Frédéric J.